C’est l’histoire d’une jeune fille amoureuse de la montagne. Entourée de ses vaches, dansant sur le yodel, elle n’avait de cesse que de fourrer ses lèvres dans ces instruments oblongs pour en sortir la longue plainte propre à réveiller toute la vallée. Rieuse et joueuse, elle partageait avec l’impératrice Sissi un goût pour l’indépendance, la sincérité et la simplicité. Heidi la rebelle goûtait aux nourritures du terroir, un fromage brut sans chichi, une viande dont elle préférait oublier la provenance – elle avait passé l’été à jouer avec la belle Jahrhundert dite « la cornue », elle ne saurait l’imaginer dans son assiette. Elle évitait de fricoter avec ceux de la ville, dont le discours ennuyeux la détournait de la magnificence des pics enneigés qui s’offraient à elle. Ces industriels qui lui parlaient de progrès technique et scientifique alors qu’elle contemplait une nature pure, n’avaient aucun intérêt pour elle. Ses vaches grasses, ses fromages laiteux, ses vallées intactes suffisaient à rendre heureuse Heidi. Sauf que ce bonheur et cette simplicité n’étaient que sur papier; Heidi était une fille pauvre, famélique, le cinquième enfant d’une famille de dix individus. Sous la pression de la faim, après avoir mangé Jahrundert et toute sa descendance, Heidi quitta ses vertes ou blanches vallées pour la ville, dans l’espoir d’une vie meilleure.
(suite…)