• Publication publiée :3/11/2005
  • Post category:Informatique

Windows Vista (Longhorn) : Fermé aux formats ouverts, ouvrons nos esprits fermés

RMS, pour Rights Management Services. Trois petites lettres, un sigle très court, mais des répercussions énormes dans l’utilisation que l’on va faire de l’informatique. RMS pour les DRM (digital rights management) à la sauce Microsoft : réflexion sur le comportement que nous allons prochainement avoir devant nos claviers.

Windows Vista, autrefois appelé Longhorn, est le prochain logiciel qu’installera – sauf suprise énorme – la majorité de l’humanité. Successeur de Windows XP, il amènera sa cohorte de nouveautés. La plus contestable à mon avis, son RMS : l’exécution de fichiers, de programmes, sera soumis aux contrôle préalable de ce qui deviendra de facto le big brother Microsoft. Ce terme orwellien, tellement usité qu’il en a perdu toute sa force, est cette fois-ci le pont d’entrée sur ce que nous réserve la prochaine mouture des systèmes d’exploitation garnissant nos PC. Fini l’exagération.

Les DRM ne sont pas une nouveauté imposée par Microsoft; utilisés couramment dans l’industrie du disque, ils ont déjà eu l’occasion de mécontenter des acheteurs tentant de reproduire leur galette sur une platine HI-FI : aucun son n’en sortait, la protection voulant empêcher la copie empêchait la lecture même. Pire, Sony va jusqu’à installer des rootkits sur votre PC, sorte de chevaux de Troie (pour synthétiser) qui permet théoriquement à Sony de s’infiltrer chez vous. Ne reculant devant rien, l’industrie du disque a depuis longtemps fait sienne les techniques qu’elle combat : le piratage, au sens large du terme.

Les DRM doivent permettre aux auteurs de toucher une rétribution maximum pour leur travail d’artiste. Ils doivent garantir que la copie frauduleuse ne sera pas source de manque à gagner pour eux; vision romantique du système de distribution, où l’on oublierait presque que l’artiste touche, lorsque le contrat est bien négocié, dans les 20% de la vente. Et pour autant que celui-ci soit payé au pourcentage.

Des « chanteuses » se sont fait connaître en court-circuitant ces canaux de distribution officiels, à l’image de Lorie : rejetée par les maisons de disques, elle met en téléchargement libre sa « chanson », qui rencontre rapidement un grand succès populaire. Aujourd’hui, la voilà du côté obscur, défendant les circuits officiels et critiquant le téléchargement libre. A ceux qui seraient tentés par un « c’est pas la même chose », je rétorquerais qu’on ne peux pas, si l’on veut rester crédible, cracher sur d’où on vient une fois passée la barrière.

Les DRM ne peuvent pas assurer aux artistes de plus grands revenus, ou une plus grande publicité. Les comédiens/acteurs, chanteurs, écrivains qui en on pris conscience sont aujourd’hui légion. De Renaud qui met en téléchargement libre sa dernière chanson (relative à Ingrid Bétancourt) à Johnny Depp qui dépense une fortune en maintenant un système de P2P malgré les injonctions de justice, on est loin de l’union sacrée qui, à en croire parfois les phrases chocs des majors (les grandes entreprises dans le domaine du cinéma ou de la musique), devrait régner parmi leurs petits soldats. Loin de fédérer la profession, qui ne voit pas son intérêt dans le copyright à outrance, les campagnes ad nauseum prophylactiques (spots d’informations) et punitives (plusieurs centaines de poursuites pénales chaque semaines par la RIAA ne cessent de faire les choux gras de la presse spécialisée. C’est à tort que cela ne reste que spécialisé (ou presque), car faut-il rappeler que l’industrie informatique est le premier secteur au monde, ayant dépassé depuis belles lurettes l’automobile ?

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Microsoft a décidé de « proposer » (Microsoft pensait « proposer » internet explorer aux Etats-Unis, avant d’être menacé de démantellement par la justice US. Tout comme il pensait « proposer » Windows Media Player, son lecteur multimédia, avant d’être condamné à 500 millions d’Euros d’amende par l’Union européenne. Voir mon précédent message.) la technologie RMS dans son prochain Windows. Le logiciel le plus utilisé sur la planète, et certainement le plus copié aussi, sera lui-même solidement outillé pour ne s’exécuter qu’en cas de conformité de la licence. Microsoft pourra-t-il recouper les informations lors des connexions ? Rien ne semble transpirer chez Redmond, pour l’instant. Mais la technologie est tout de même bien connue : en cas d’exécution d’un programme, ce n’est qu’après la confirmation par internet que les droits dont vous disposez sont suffisants, que le logiciel s’exécutera. Pour obtenir cette confirmation, une obscure connexion à un serveur Microsoft, qui s’assure que le programme est enregistré dans leurs services et chez vous.

Deux questions d’ordre pragmatique : quid des personnes qui n’ont pas accès à internet ? Quid des logiciels libres, qui devraient s’acquitter d’une licence auprès de Microsoft (pour la vérification) ? Microsoft semble s’être lancé récemment dans l’open source (logiciels dont le code source est ouvert, librement consultable), peut-être afin de mieux comprendre ce monde qui lui est assez étranger. De même, une forte implication caritative de Microsoft est visible en Afrique, avec des fournitures informatiques offertes dans des pays peu développés. Des emplâtres sur des jambes en bois, qui ne doivent pas dissimuler le problème principal des RMS : l’extraordinaire atteinte à notre liberté individuelle.

La liberté de consommation, tellement à la mode, n’a de sens que si elle est accompagnée de la liberté de consommer : utiliser mon achat là où je le veux, avec qui je le veux, quand je le veux. Alors que les DRM de Sony m’empêchent (dans les cas extrêmes) d’écouter mon CD, les RMS me forceront à choisir certains programmes dûment approuvés par Microsoft, qui aura, il faut en être conscient, libre choix dans son octroi de licence. Les USA sont aujourd’hui vertement critiqués en raison de leur monopole d’attribution des adresse DNS (système traduisant les adresses IP par un nom de domaine), qui par l’entremise de l’ICANN détiennent un pouvoir énorme sur la gestion d’internet. A cela, Microsoft va ajouter la surveillance des particuliers. Le grand rêve libertaire d’internet sera mort et enterré.

Le comportement des consommateurs va évidemment s’en retrouver drastiquement changé : terminé l’écoute occasionnelle chez un ami d’une maquette personnelle (oui, même cela), terminé le prêt d’un DVD à ses parents. A chacun de ces cas, Microsoft est toujours en panne pour trouver une solution.

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La solution qui s’impose d’elle-même : Linux, l’OS libre. Développés par des professionnels, les différentes variantes du noyaux de Linus Thorvald sont très souvent gratuites, et répondent directement aux attentes des usagers. Fini d’imposer le choix de quelques programmeurs, aux oubliettes les pressions des majors. Si les logiques financières sont toujours présentes (le développement et le support est coûteux), on est très loin du monde tentaculaire de Microsoft. Et pour cause : le code source est disponible, chaque utilisateur pouvant voir comment est écrit l’OS. Le comprendre, c’est bien sûr une autre paire de manche.

Cela n’étonne d’ailleurs personne que le monde de Linux soit réservé à une élite numérique : les passionnés, les informaticiens, ou les courageux. Parce que pour l’instant, difficile de trouver une version de Linux (appelée « distribution ») qui soit aussi user friendly que Windows. Les clicks à tout va sont à oublier, rentrer des lignes d’instructions au clavier sont pratique courante chez les « linuxiens ». Il n’empêche que, voilà près de deux ans, il ne m’a pas fallut plus d’une demie journée pour installer une distribution Mandrake (aujourd’hui Mandriva) . Il faut avouer que ce fût après une tentative avortée avec Red Hat, mais en l’espace d’une demie journée, j’arrivais déjà à connecter en réseau Linux et Windows. La prise en main fût moins terrifiante que sur le dépliant.

Il va nous appartenir très rapidement de choisir entre « mettre les mains un peu dans le cambouis », et installer Linux, ou accepter une privation plus conséquente qu’il n’y parraît de nos libertés. Avant de prendre votre décision, souvenez-vous des premières versions de Windows, sur lesquelles vous avez accepter de travailler : elles étaient pourtant bien moins utilisables que ce que n’est Linux aujourd’hui…

Pour aller plus loin, un très bon dossier sur les DRM : formats-ouverts.org. Ou le blog qui a révélé le comportement condamnable de Sony.

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Cet article a 7 commentaires

  1. jcv

    Limpide et excellent. L’interopérabilité va poser un problème monumental aux DRM. DRM are a CRAP 🙂

  2. jcv

    Tiré de ton lien :

    On détourne ici à son propre compte les armes classiques du marketing grand public. Il ne s’agit pas d’argumenter mais de sensibiliser les esprits sur la question et de ce point de vue là l’objectif est atteint.

    Ca sera peut-être la seule occasion où j’accepterai une telle méthode. Comme en l’espèce elle me convient, je ne dirai rien 🙂

    La vidéo est très bien faite. Merci.

  3. s427

    Tiens, une très jolie animation pour sensibiliser les gens aux problèmes posés par le « Trusted Computing » en général (cette informatique dite « de confiance » qui sacrifie la liberté au nom de la sécurité) :

    http://framasoft.net/article641.html

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