La constitution suisse est plus morale que ses habitants

Extraordinaire victoire pour les défenseurs de l’équité et l’égalité fiscale en Suisse : l’impôt dégressif, a décidé le Tribunal fédéral [1], est contraire à la Constitution suisse. Tout le monde devrait s’en féliciter, au vu des problèmes posés par un tel impôt précédemment abordés ici.

C’est le résultat du combat d’un seul homme, Josef Zisyadis (Parti ouvrier populaire, communiste), qui a passé outre les pressions exercées à son encontre, des pressions qui avaient découragé en son temps le Parti socialiste de se lancer dans la bataille. Si aujourd’hui se félicite toute la gauche de ce résultat inespéré, n’oublions pas qu’un partie de cette gauche avait pourtant cédé devant les menaces. Rappelons-nous comment seul Zisyadis et quelques co-signataires anonymes, ont osé se lancer dans la bataille : en se domiciliant en 2006 dans le canton d’Obwald, qui venait de mettre en oeuvre son impôt dégressif, le communiste s’attirait sarcasmes et ironie en annonçant vouloir recourir contre la décision populaire – on venait de faire voter l’objet par la population obwaldienne.

Victoire extraordinaire de Don Quichotte, qui va assurément relancer le débat de l’indépendance face à l’Union européenne (UE). En effet, il est plutôt cocasse qu’après avoir entendu le Conseil fédéral unanimement désapprouver les demandes faites par l’UE au sujet de concurrence fiscale suisse, jugée déloyale par Bruxelles, de découvrir que l’une des dispositions légales au coeur du conflit soit jugée anticonstitutionnelle. En avoir appelé à la tradition suisse, à l’indépendance et l’exception helvétiques, pour découvrir que la Constitution est incompatible avec de telles lois fiscales, c’est hilarant. On découvre avec étonnement que, au final, faire payer moins d’impôts aux individus qui possèdent le plus est opposé à la notion d’égalité : il était temps.

Bien sûr, le conflit avec l’UE ne va pas en être résolu pour autant : ce sont les impôts dégressifs qui sont anticonstitutionnels, et pas la concurrence fiscale elle-même. Les cantons pourront continuer à attirer de nouvelles sociétés ou personnes fortunées par le biais de réductions d’impôt, mais une limite est désormais posée. Une limite qui, si elle ne sera pas suffisante aux yeux de l’UE, démontrera qu’en matière de moralité, la Suisse n’est pas uniquement mue par la vénalité, et qu’on peut poser des limites morales à la concurrence, même en Suisse.

Prochain objectif : interdiction des exportations du matériel de guerre. On peut toujours rêver.

Références

  1. Plus haute instance juridique suisse []
0
0
Lire aussi  L'héritage d'Atatürk : les raisons de l'entrée turque dans l'UE

Cet article a 0 commentaires

Laisser un commentaire