Le montagneux pays, le pays qui m’a vu naître et tant apporté. Mais où je me suis ennuyé ferme.

Le retrait de « J’aime Polanski et je hais la Suisse »

La rédaction de la règle du jeu a décidé il y a 3 jours de retirer un texte critiquable de Yann Moix, m’ayant rappelé tout ce que produisait d’insoutenable la France des années 30.

Yann Moix le regard perduEn réponse aux lecteurs et amis suisses de La Règle du jeu qui nous ont fait part de leur étonnement quant au retrait du texte de Yann Moix publié le 1er février 2010 et intitulé « J’aime Polanski et je hais la Suisse », la Rédaction précise que ce retrait a été effectué à la demande de l’auteur. Nous vous invitons à lire la version longue de ce texte, très controversé, dans son livre La Meute, à paraître chez Grasset le 24 février prochain.
La Rédaction.

La magie d’internet, c’est que plus rien ne se perd : voici l’intégralité de son texte, pour information.

« Je hais la Suisse.

Roman Polanski, nous venons de l’apprendre, va passer un an de plus dans sa prison suisse. Je dis bien : « prison ». Une prison, ce n’est pas strictement un cachot avec des rats. Une prison, c’est tout prosaïquement un endroit dont on ne peut sortir. D’où on ne peut pas s’échapper. Peu importe que la prison soit une cellule ou un chalet, un terrier ou même un immeuble tout entier. On est en prison quand on ne peut pas être ailleurs. Roman Polanski restera emprisonné en Suisse : c’est la Suisse la prison. C’est la Suisse le bourreau. C’est la Suisse la sentence. C’est la Suisse la trahison. C’est la Suisse la haine et la revanche et la vengeance. Parce que la Suisse n’est pas un pays : la Suisse n’est rien. La Suisse n’existe qu’en détruisant. En neutralisant. Ce n’est pas un pays neutre, non : c’est un pays qui neutralise. Très joli pays qui, pendant la guerre, voyant qu’un peu trop de juifs venaient étrangement faire du tourisme en ses montagnes, a demandé à ce que fût apposé sur les passeports le « J » de Juden. La Suisse n’est pas un pays neutre : c’est un non-pays vendu. La Suisse, ce pays des horlogers, sait manier le temps comme Satan : enfer du temps dans lequel elle neutralise un génie (un an de plus), enfer du temps à l’intérieur duquel, avec une infinie patience, elle guette sa proie : trente-deux ans pour attraper Polanski. La Suisse n’existe pas : pour exister, elle est obligée de faire dans le sale, dans le crade, dans le porno. La Suisse est un pays pornographique. Sales affaires (comptes bancaires, fiscalité), sale comportement (arrestation de Polanski) : tout est propre dans les rues suisses, dans les montagnes suisses, dans les vallons suisses, tout est très propre parce qu’au fond tout y sale dans les tréfonds, dans les fondements, dans les soubassements. C’est un pays qui se vend sans cesse au plus offrant. Qui courbe incessamment l’échine devant le plus fort. C’est un pays qui fait basculer les choses vers le plus dictateur, le plus violent, le plus menaçant. La Suisse ne se donne même pas, comme le feraient des salopes ordinaires : la Suisse se prête au plus fort. Elle prête sa soumission. C’est une pute. Elle ne se donne jamais mais se prête toujours. Elle se prête avec intérêt. Elle se loue. Elle se sous-loue. Elle fait des offres. Elle écarte les jambes quand viennent à passer un officier nazi, ou une très grande puissance comme, par exemple, aujourd’hui, nos amis les Etats-Unis.
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Oskar, dessine-moi la Suisse du futur

Suisse 2020. La dernière femme quitte le marché du travail, suite au vote de l'initiative dite « Nous les Suisses, on veut faire comme les chevreuils ». En effet, chez les chevreuils, la femelle se cantonne à élever les petits et s'occuper de la nourriture, rejoignant ainsi les aspirations de l'ancien conseiller fédéral Ueli Maurer pour la gent féminine. Suite à la rupture des bilatérales et au meurtre de l'ambassadeur de l'UE en Suisse par le président à vie Oskar…

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L’échec d’un pays : la Suisse interdit de construire des minarets

minaret missiles campagne udcNous y voilà. 60 % des Suisses ont lancé un vibrant cri de peur, d’incompréhension, de haine : il sera dorénavant interdit de construire un minaret en Suisse. Pourtant, presque tous les partis étaient unis derrière le rejet de l’initiative populaire : seul l’extrême droite soutenait la proposition de réglementer leur construction. Et pourtant. Avec un taux de participation peu courant (pas loin de 60% à Genève, une moyenne de 52% en Suisse), le vote est sans appel. Il prouve, une fois encore, que la puissance de l’extrême droite est intacte : ces dernières années, les objets acceptés par le peuple alors qu’ils n’étaient que soutenus par cette formation politique ne se comptent plus.

Alors que faire ? Les élites politiques, clairement, n’arrivent plus à expliquer la complexité du monde à leurs populations. On le voit, lorsqu’on consulte les Européens sur l’avenir de l’Europe, les débats ne prennent aucune hauteur. Comment oublier que le droit à la vie inscrit dans feu le Traité établissant une Communauté Européenne déborde en France sur la peur de voir remettre en question le droit à l’IVG ?

Il semble invraisemblable que la seule question des minarets ait poussé les citoyens helvétiques à glisser un non massif dans l’urne. C’est assurément un « non » aux questions pêle-mêle véhiculées par l’islam, que ce soit la bourqa, la séparation filles-garçons à la piscine, et tutti quanti qui se sont vues attaquées ce dimanche 29 novembre. Pas de clivage ville-campagne, pas plus de röstigraben (partie francophone du pays opposée à la partie germanophone), c’est à l’unisson que le peuple suisse s’attaque de front aux musulmans. L’ampleur du vote a dépassé nombre de ses défenseurs, s’empressant de rappeler que cette initiative populaire n’était pas « contre » l’islam, mais uniquement contre les minarets. Il est assez cocasse de voir les mêmes qui hier, rappelaient combien l’islamisation rampante de nos société étaient dangereuse, se muer en VRP de la tolérance inter-confessionnelle aujourd’hui. Les risques inhérents à cette votation sont réels, et personne ne voudra les assumer.

Car les risques, quels sont-ils ? L’image du pays est évidemment désastreuse. La crédibilité auprès du monde musulman risque d’être réduite à peau de chagrin. Au Maghreb et au Mashrek, la tentation de prêter une oreille attentive aux élucubrations de Mouammar Kadhafi, ennemi de toute une nation, sera plus forte que jamais : jusque-là, il prêchait que l’islamophobie gangrenait la Suisse, seul dans son désert, mais la votation semblera lui donner raison. Par ailleurs, la crainte de voir une fuite des épargnes déposées dans les coffres helvétiques est plus justifiée que jamais; annus horribilis pour le secteur bancaire qui, touché par la crise et par l’effritement accéléré du secret bancaire, ne doit plus savoir que faire. Ainsi, les problèmes engendrés par cette votation sont multiples : difficultés exacerbée pour la politique extérieure (et pas seulement vis-à-vis des dirigeants étrangers, car après l’affaire des caricatures de Mahomet, quelle sera la réaction des populations musulmanes ?), stigmatisation des musulmans en Suisse et remous économiques. Les milieux politiques et économiques vont devoir faire preuve d’inventivité pour contrebalancer les effets potentiellement dévastateurs de cette votation.

Les 40% de la population qui ont refusé les amalgames simplistes et la guerre des civilisations vont se mobiliser, c’est certain. Bien que je doute du moindre impact que pourrait avoir certaines formes de mobilisation (je ne compte plus le nombre de fois que j’ai reçu des invitations à rejoindre des groupes « facebook »), il est primordial de rappeler que sur une partie de la population s’exerce de plein fouet la tyrannie de la majorité. Que des Suisses ont mal à leur nationalité en ce jour, et qu’accepter le résultat de cette votation fera appel à toute la foi qu’on peut nourrir dans la démocratie.
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L’export du matériel de guerre en Suisse; un débat de clocher

Le 29 novembre prochain, la petite (autrefois calme) Confédération helvétique s'attaque à de grandes questions, en consultant sa population sur deux initiatives : faut-il cesser l'exportation de matériel de guerre, faut-il interdire la construction de minarets en Suisse. Les partisans de cette dernière initiative n'ont pas hésité à faire un lien entre les deux objets, transformant les minarets en missiles. La Suisse a donc à se prononcer sur l'exportation de missiles (le matériel de guerre) mais aussi sur son importation…

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Imprescriptiblité des actes pédo-pornographiques : le triomphe de la démocratie kitsch

La démocratie suisse, l’une des plus avancée au monde en ce qui concerne les prérogatives accordées au peuple, a encore donné la parole au pouvoir de la victimisation : hier, 30 novembre, l’initiative populaire concernant l’imprescriptibilité des actes pédo-pornographiques a été acceptée. De justesse, mais il faut noter que l’association de la Marche blanche a fait campagne contre la quasi totalité des acteurs politiques du pays, sans beaucoup de moyens, face à des médias plutôt hostiles. Malgré cela, il n’est que peu de régions qui l’aient refusé, les Helvètes ayant troqué leur sens critique contre un « accord catégorique sur l’horreur que représente la pédophilie ». Les anciens grecs avertissaient déjà : une démocratie sans garde-fous, c’est une démocratie victime des modes, des sentiments, où l’irrationnel est roi. Depuis hier, la Suisse doit se doter d’un arsenal législatif rendant possible la poursuite d’un acte à caractère sexuel sans contrainte de temps. A 60 ans, poursuivre son père ou sa mère de 90 ans sera désormais possible.

C’est le règne de l’irrationnel, car il était impossible de s’opposer de manière argumentée aux défenseurs des victimes de tels actes. Y a-t-il vraiment parmi les Suisses des gens qui souhaitent voir les abuseurs d’enfants épancher en toute quiétude leurs déviances ? Bien sûr que non. Raison pour laquelle le Conseil fédéral (l’exécutif suisse) avait pris les devants et proposé une limite d’âge pour déclencher de telles poursuites : 33 ans. Un âge arbitraire, certes, mais lorsqu’on imagine les difficultés qui peuvent surgir lors de la collecte des preuves et témoignages dans une affaire qui se serait produite au minimum 15 ans auparavant, la plafond semble raisonnable. Mais en face des différents arguments, il existe le kitsch : une émotion à la force irrésistible, qui emporte tout sur son passage. Une émotion unanime qui, vantant la douleur des victimes, ne fait pas cas de la rationalité ou de l’intérêt général. Ou bien vous êtes avec nous, ou bien vous êtes contre nous; il faut choisir son camp.
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Il est anticonstitutionnel d’interdire de fumer dans les lieux publics à Genève

Depuis le 1er juillet de cette année, les terrasses étaient plus bondées que d’habitude dans la petite ville du bout du lac; la météo était plus ensoleillée que de coutume, assurément, mais l’entrée en vigueur d’un loi interdisant de fumer dans les lieux publics est venue renforcer cette habitude saisonnière. Or, le Tribunal fédéral a rendu aujourd’hui une décision inattendue : l’initiative populaire interdisant la fumée dans tous les lieux publics a été invalidée. Il est autorisé, dès aujourd’hui et avec effet rétroactif, de fumer dans les restaurants, les bars, les discothèques. Coup de tonnerre. MM. Amaudruz, Yagchi, et Pardo, qui ont recouru contre la loi jusque-là en vigueur, se moquent de la volonté de presque 80 % des citoyens genevois. Enfin, c’est ainsi que l’on retiendra l’histoire. Ou peut-être pas.

Illustration de cigaretteIl est difficilement compréhensible que l’organe chargé de veiller à la constitutionnalité des lois, déclare qu’interdire de fumer soit anticonstitutionnel. Le goudron et la nicotine, un droit garanti par le papier le plus sacré de notre édifice ? Que nenni, il ne s’agit en rien de cela, ne brûlons pas encore nos manuscrits sacrés, emportés par notre guerre contre les fumeurs. Si acte illégal il y a eu, il ne réside pas dans le fait se lancer dans une chasse à l’intoxiqués, mais dans le mode d’adoption de la loi : c’est le Conseil d’Etat (l’exécutif) qui a légiféré, au lieu du Grand Conseil (le législatif). Cette seule règle constitutionnelle, pierre angulaire de la séparation des pouvoirs, a été bafouée. L’exécutif, sous la houlette d’un politicien zélé, s’est laissé emporté par l’enthousiasme et arrogé des droits qu’il n’a pas. Celui d’édicter des règles.

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Les naturalisations par le peuple ne sont pas démocratiques

Le 1er juin prochain, le peuple suisse s’exprimera si il désire que doter les communes de la possibilité de voter sur la naturalisation d’un étranger. Actuellement, le processus de naturalisation implique un examen administratif pointilleux par les autorités de la personne souhaitant obtenir le passeport à croix blanche. L’initiative lancée par l’Union démocratique du centre (UDC, extrême droite suisse), a toute les chances d’être acceptée par le peuple, selon les sondages. Ce qui mettrait la Suisse dans une situation délicate, car en plus d’avoir dans sa législation une loi contraire aux droits humains (l’égalité de traitement ne serait plus assurée), cette loi serait contraire aux engagements internationaux, notamment la Convention européenne sur les droits de l’homme (CEDH); il ne fait aucun doute que toute personne qui activerait les mécanismes de la Cour européenne gagnerait contre une commune qui lui refuserait la naturalisation par le biais des urnes. En effet, l’initiative précise que tout recours est impossible; une telle disposition est illégale au sens du droit international.

Cette initiative, illégale dans son application, pose toutefois un défi aux partis suisses; comment, en effet, combattre une loi qui veut accorder plus de pouvoir au peuple ? Comment justifier qu’un parti qui demande plus de démocratie, refuse d’accorder des pouvoirs au peuple ? Cela requiert de se poser les bonnes questions, et aborder le fond, et non seulement la forme : qu’entend-on par « démocratie », où commence-t-elle où se termine-t-elle ? Quelques tentatives d’explication.

Le texte

L’initiative populaire soumis au peuple a la teneur suivante :

La Constitution fédérale du 18 avril 1999 est modifiée comme suit :
Art. 38, al. 4 Cst. (nouveau)
4 Le corps électoral de chaque commune arrête dans le règlement communal l’organe qui accorde le droit de cité communal. Les décisions de cet organe sur l’octroi du droit de cité communal sont définitives.

Cette initiative fait suite aux deux recours perdus en 2003 devant le TF par les communes qui naturalisaient leurs étrangers par votation populaire. L’initiative, si elle passe, permettrait aux communes le libre choix de la procédure de naturalisation; soit elles poursuivent leur pratique administrative, soit elles choisissent de recourir au vote des citoyens pour décider de qui ferait un bon Suisse, et qui ne le serait pas.
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Rappels élémentaires sur les institutions démocratiques – la démocratie en Suisse, c’est aussi le parlement

La démocratie foulée au pieds en Suisse ? Mon oeil !

Le 7ème membre de l’équipe composant le cabinet ministériel suisse est désormais connu : Mme Wider-Schlumpf, qui ne s’attendait décidément pas à tant d’honneur. Elle a accepté la double charge de Conseillère fédérale, et de cheval de Troie potentiel infiltré dans le parti dont elle est issue, l’Union démocratique du centre (UDC, extrême droite suisse).

Les commentaires sans grande classe, émanant d’un parti éméché par la défaite, ont dénoncé le manque de conformité avec les règles démocratiques, et le peu de cas fait de la souveraineté populaire. Au-delà des déclarations émotionnelles, somme toute compréhensible pour un parti qui subit l’une des plus grandes défaites de ces deux dernières décennies, peut-on parler de parlementaires irresponsables et indifférents au choix des électeurs ? Assurément non, et nous allons voir pourquoi.
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