Mancuso est un paramilitaire, un seigneur de guerre, un assassin responsable de plusieurs massacres de civils… Le monsieur s’est démobilisé grâce à la fameuse Ley de Justicia y Paz et depuis une semaine il participe à la phase “vérité” où il raconte les petites histoire qu’il veut bien raconter. De cette manière il purgera quelques petites années (8 ans maximum) dans une pseudo prison avant de retrouver la liberté et toutes ses richesses. Ayant déjà discuté de l’intérêt de “justice transitionnelle” à la sauce colombienne et de ses problèmes je ne reviendrais pas trop dessus, sinon pour dire qu’une grande partie des craintes exprimées par la “société civile” s’avère réelle. Non seulement la justice n’a pas le temps ni les moyens de faire les enquêtes nécessaires pour trouver la vérité. Mettre un nom et une histoire sur chaque morts découverts (plus de 10 mille) dans les fosses communes est un travail de plusieurs années.
De plus l’Etat n’est pas capable d’assurer la protection des victimes qui voudraient témoigner ou simplement participer aux séances. Il existe plusieurs cas d’assassinats des défenseurs des victimes ces derniers temps. Plusieurs autres victimes ont du fuir (pour la combientième fois?) leur région pour survivre. Le système mis en place pose tellement de problème que même le fiscal responsable de l’application a dit a plusieurs reprises que s’il avait su que c’était lui qui devrait appliquer cette loi, il ne l’aurait pas écrite comme ça, et que les moyens mis à disposition sont absolument ridicule.
Cette justice transitionnelle ne transite vers rien de nouveau, de soi-disant “nouveaux” groupes de paramilitaires se sont recréé, qui ne sont en réalité que du réchauffé des anciens groupes, ressortant les armes des caves et des petits chefs qui ont grandi. Les anciens “grand chef” comme Mancuso raconte tranquillement comme ils ont fait. Extrapoler leurs discours pour savoir comment les “nouveaux” sont en train de faire est d’une simplicité effrayante.
En fin de compte l’intérêt de cette transition n’est pas seulement de connaitre une vérité partielle sinon d’apprendre à lutter contre les associations de malfaiteurs et les mécanismes de la mafia “paramilitaire”.
Selon cette idée les accusations de Mancuso sont intéressantes, même si elles sont à prendre avec des pincettes, il est difficile de croire qu’un type comme lui veuille du bien à la patrie du jour au lendemain. Il a notamment expliqué, en partie, la coopération des entreprises et des multinationales avec les paramilitaires. Il mentionne Postobon et Bavaria (2 entreprises colombiennes) mais aussi Chiquita, Dole et Del Monte, 3 géants de la banane. Dans l’ensemble cela ressemble à un impôt de guerre où les entreprises n’ont pas forcément eu le choix. Contrairement au cas de Chiquita qui est clairement une aide volontaire et un soutient à la création de groupes illégaux. Après la question éthique est évidente, une entreprise X ne pourrait-elle pas refuser l’impôt de guerre et ne pas travailler dans les zones à risque, quitte à perdre un peu de bénéfice?
Des entreprises d’extractions de charbon sont aussi en cause, Drummond (USA) est citée pour avoir commanditée des assassinats de syndicalistes.
La semaine a été largement pimentée par les déclarations de Mancuso, le gouvernement s’est vu une fois de plus accusé directement de collaboration avec les paramilitaires. Le Vice Président aurait, selon Mancuso, demandé une participation des paras à Bogotà¡. Le ministre de la défense aurait quant à lui participer à plusieurs réunions avec les paras.
Une fois de plus Uribe est sorti pour crier au mensonge, pour assurer que ses hommes sont propres et de confiance. Garantir que son gouvernement ne cherche que le bonheur de la Colombie etc. Le message devient répétitif, et à force il perd du poids. Aux Etats-Unis la Colombie commencer déjà à payer les “bourdes” funestes des membres d’un gouvernement considéré trop proche des fosses communes…
Toño,
ton article, ainsi que les renvois qu’il contient, me semblent comporter de nombreux paradoxes : Mancuso parle, faut-il s’en plaindre ? N’est-ce pas le signe qu’il y a tout de même une part faite à la vérité dans ce processus ? Il encourt 8 ans de prison, peine substantielle dans la mesure où, tu le rappelles, les AUC ne sont pas vaincues militairement. Mancuso & co. se sont rendus volontairement, dans le cadre d’une négociation au cours de laquelle le gouvernement n’avait pas toute la main.
La justice manque de moyens pour appliquer toutes les dispositions de cette loi, mais n’en manque-t-elle pas dans toutes ses autres dimensions ? Ces carences sont elles exclusivement imputables au gouvernement actuel ? La Colombie n’est pas la Suisse et ne peut pas quadrupler le nombre d’agents du CTI (peu ou prou la PJ) et de procureurs dédiés au grand déballage alors que, faut-il le rappeler, il y a beaucoup d’autres urgences.
Tu invites les entreprises à ne pas aller travailler dans les zones où elles sont susceptibles d’être astreintes à l’impôt de guerre, mais es-tu d’accord qu’il n’y a pas de rémission possible en Colombie, pas de vraie solution au conflit, sans un développement économique rapide en particulier dans les zones d’influence des groupes armés. Comment concilier ces deux nécessités ?
Sur les accusations portées contre les deux Santos, ne faut-il pas attendre d’en savoir davantage avant de crier au loup, et peut-on tout mettre sur le dos d’Uribe quand la famille Santos est influente depuis plus d’un siècle et qu’elle a entretenu des liaisons avec le pouvoir bien avant qu’Uribe daigne naître ?
Sur l’émergence de nouveaux groupes paramilitaires, pourquoi ne pas rappeler que le gouvernement les réprime violemment et qu’il ne fait preuve d’aucune complaisance à leur égard ? Pourquoi ne pas chercher à l’aider, notamment en appuyant de véritables programmes de réinsertion, plutôt que de lui jeter la pierre systématiquement ?
Merci pour ce commentaire, c’est pas tous les jours qu’on en trouve des comme ça…[quote post=”476″]ton article, ainsi que les renvois qu’il contient, me semblent comporter de nombreux paradoxes [/quote]
C’est vrai et c’est pas vrai… je crois que la situation prête à des avis paradoxales. Je suis bien d’accord que le fait que Mancuso parle et nous raconte quelques vérités est une excellente chose, il est évident aussi que je préfère qu’il soit là où il est plutôt que de le savoir en train de massacrer des civils.
Je sais aussi que les AUC n’ont pas été vaincu militairement, l’Etat colombien n’a d’ailleurs jamais essayé.
Il est donc logique que les peines soit allégées, la justice transitionnel ne dépend pas du droit mais de la politique et c’est pour cette raison précise qu’on peut se permettre ce genre de chose. Là aussi j’avoue être d’accord avec toi.
Cependant la proposition faite et mise en place par le gouvernement comporte une série de point presque inacceptable.
Même si la Colombie ne possède pas les richesses de la Suisse, ce n’est pas un pays pauvre, et encore moins un pays qui n’a pas les moyens de protéger les victimes qui veulent témoigner ou simplement participer au processus.
Le statut de la victime dans ce processus est absolument aberrant. On a même entendu des trucs du genre “vous devrez pardonner, c’est pour le bien du pays” ou “Si vous pardonner pas vous devrez alors payer..”!!!
Ceci sont des anecdotes qui montre la considération de la victime.
On accepte qu’un paramilitaire dise: “oui je l’ai tronçonné, il avait des liens avec la guérilla” … dans ce cas la victime a presque tort de demander: “mais où est mon père?” c’est elle qui a tort, son père à donner une boite de thon aux guérilléros…
Ce que je veux dire dans mon article, et c’est là le grand paradoxe, c’est que oui il y a eu un pas de fait, oui certains paramilitaires se sont démobilisé, mais simplement personne ne cherche une transition sur quelque chose de nouveau, de commun … il n’existe pas de transition!
Et une fois de plus les victimes payent les “grands projets” politique.
Et cela cela me semble grave, et je rends en grand partie responsable le gouvernement, car de la même manière il ne profite pas (ou il n’a pas profité) de la sécurité ambiante pour construire quelque chose de sérieux… Mais ça je l’ai déjà dit.
Les cas des deux Santos relève plus de l’anecdote pour moi, il n’ont pas d’influence sur le processus en lui même sinon que les accusations de Mancuso rajoute de l’huile sur le feu et complique encore plus la signature du TLC.