Je reproduis ici un article paru dans le Nouvel Observateur sur une des nombreuses richesses de la Colombie. J’ajoute une petite photo pour que vous vous fassiez une idée concrète de la chose. En tout cas c’est succulent et très fin mais bien sûr il faut supporter l’idée.
La “hormiga culona”, une fourmi de Colombie qui séduit les gourmets –par Joshua Goodman—
BARICHARA, Colombie (AP) –
Le mets a ce goût d’exotique qui ravit les gastronomes aux papilles en mal de sensations nouvelles et d’agapes raffinées venues de l’étranger. Appréciée depuis des siècles par les habitants d’une région du nord de la Colombie, la “hormiga culona”, fourmi à laquelle on prête aussi des vertus médicinales, commence à franchir les frontières pour atterrir dans les assiettes occidentales.
Si nombre de personnes éprouvent de la répulsion à l’idée de consommer cet insecte à l’abdomen très développé, qui agirait naturellement contre les troubles de l’érection et dont les protéines renforceraient les défenses contre le cancer, certains ont humé les parfums agréables de l’argent qu’ils pourraient retirer de l’exportation de ce plat très populaire dans la province ensoleillée de Santander.
Ainsi, l’an dernier, un commerçant local a exporté plus de 400kg de ces grosses fourmis, dont une grande partie avaient été enrobées de chocolat belge pour être vendues comme friandises à 6 euros la demi-douzaine dans des magasins londoniens comme Harrods ou Fortnum & Mason.
Mais à l’heure où la fourmi gagne ses galons hors des frontières colombienne, elle semble perdre du terrain à Santander, où sa population diminue de façon inquiétante.
Cette année, la “récolte” -qui commence généralement aux environs de Pâques et s’étend jusqu’à juin- a été l’une des plus mauvaises, les paysans de la colonie de Barichara faisant état d’un butin inférieur de moitié à la normale.
Des entomologistes colombiens remarquent qu’un changement de climat, attribué à un hiver rigoureux et d’un retard des pluies du printemps, pourrait gêner le vol nuptial de la reine des fourmis. Mais le coupable est plus probablement à rechercher du côté des champs de haricots, tomates et tabac, qui ont remplacé les dernières régions sauvages. C’est un “dilemme pour le fermier: ‘Dois-je la tuer ou la manger?”‘, explique Andres Santamaria, qui a reçu l’équivalent de 40.000 dollars (environ 31.100 euros) de subvention du gouvernement de Santander pour développer un programme d’élevage des fourmis orienté vers l’exportation.
Une chose est sûre, ce n’est pas leur découverte à l’étranger qui menace la survie de ces insectes. “Nous n’allons jamais manger toutes les fourmis des Colombiens”, observe Todd Dalton, un chef londonien de 30 ans amateur d’exotisme et créateur de la marque de produits alimentaires Edible. Il a vendu l’an dernier une centaine de kilogrammes des fameuses fourmis, la plupart enrobées de chocolat, avec d’autres spécialités comme des sucettes renfermant un scorpion.
A Barichara et dans la province de Santander, les “fourmis à gros cul” sont traditionnellement consommées grillées avec du sel en guise d’en-cas. “En France, on les apprécie tellement qu’on commence à les appeler ‘le caviar de Santander”‘, souligne Stephane Le Tirant, conservateur à l’Insectarium de Montréal.
Quel que soit son avenir à l’étranger, la “hormiga culona”, source de fierté locale, peut se vendre jusqu’à 24 dollars (19 euros) le kilo dans la région de Santander où les images de la fourmi se déclinent partout, du logo d’une société d’autocars à la loterie de la province, baptisée “La Culona”.