Un téléphone portable sonne alors que nous savourions le meilleur café du monde sous le soleil instable et piquant de Bogotà¡. A peine le téléphone raccroché, la nouvelle tombe, la tablée se regarde : Ingrid est libre ! Le ministre de la défense Juan Manuel Santos vient d’annoncer la nouvelle, Ingrid Betancourt, les trois nord-américains et 11 militaires colombiens ont été libérés grâce à une intervention militaire. Le silence est total, difficile à croire… Ingrid Betancourt est devenu depuis longtemps une figure inamovible, une photo qui ne bouge que lorsqu’on l’emmène en manifestation.
Après quelques instants l’émotion gagne rapidement, tout le monde s’anime, les radios et les télévisions s’allument, les bars sont envahis. La rue montre qu’aujourd’hui est un jour différent, qu’aujourd’hui les nouvelles sont bonnes, des papiers blancs s’envolent, les klaxons sont encore plus bruyants qu’a l’accoutumée. Ingrid Betancourt est libre. Elle a souvent été présentée soit comme une sauveuse qui se bat seul contre tous, soit comme une politicienne ratée qui s’est mis toute seule et presque volontairement dans son enfer. Ella a été sénatrice élue avec une des meilleures votations du pays, elle s’est présentée ensuite à l’élection présidentielle et c’est lors d’un de ces déplacements de campagne qu’elle a été séquestrée. Sa destination n’était ni plus ni moins que la petite ville située au centre de la zone démilitarisée pour les négociations entre le gouvernement colombien et les FARC. Les négociations venaient d’être rompues et tout le monde lui déconseille de s’y rendre, pourtant, envers et contre tous, elle prend la route.
L’opération qui lui permet aujourd’hui de faire une telle affirmation est le fruit d’un long travail des services secrets colombiens qui aurait réussit à infiltrer la guérilla. La suite de l’opération est digne d’un film comme le souligne le ministre de la Défense, les infiltrés aurait fait passer un message aux responsables de la surveillance des otages demandant leur transfert à un autre campement. Le transfert se fait en hélicoptère, les otages ne savent ni où ils vont ni avec qui. Ils montent enchainés dans l’hélicoptère, où après avoir neutralisé les guérilléros présent l’armée colombienne leur annonce qu’ils sont libres.
L’opération est parfaite, audace mais très bien planifiée. A ce jour les seuls services militaires et de renseignement capables d’une telle opération sont les israéliens. Il n’est donc pas vraiment surprenant de voir l’armée colombienne suivre le même chemin, un groupe d’ex généraux israéliens a été embauché par le ministère de la défense l’année dernière. Leur travail aurait mené à une restructuration complète des services de renseignement colombien.
La libération d’Ingrid Betancourt et de 14 autres otages grâce à une intervention militaire est probablement la meilleures nouvelles non seulement pour les otages eux mêmes et leurs familles, mais aussi pour le gouvernement. Le président Uribe peut maintenant affirmer haut et fort que l’intervention militaire, est une option viable et que sa politique dure porte ses fruits.
Sa réussite lui permet aussi de faire oublier les scandales de corruption autour de sa réélection, l’illégitimité du congrès où une trentaine de députés, tous de la majorité, sont derrière les barreaux pour leurs liens avec les paramilitaires.
Aujourd’hui, encore plus que jamais, la grande majorité des colombiens est prête à accepter tous les défauts d’un président et de son gouvernement, s’il permet à la Colombie de vivre en paix après plus d’un demi-siècle de violence. Ingrid Betancourt risque bien d’être une ambassadrice de cette cause, et non malgré elle, mais convaincue de ce combat et son importance pour la liberté de ses compagnons d’infortune qui sont encore prisonniers dans la jungle
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Le colombien Herbin Hoyos Medina reçoit un prix journalistique
Herbin Hoyos Medina est connu pour son travail radio “las voces del secuestro” (les voix du séquestré), où il permet aux familles des otages de s’exprimer et de s’adresser aux leurs retenus dans les entrailles de la jungle.
Il a été lui même séquestré pendant quelques semaines, et depuis il se dédie à donner un espoir à ceux qui reste privé de liberté. Son travail est connu, sans vraiment l’être par ici, rappelons nous que cela ne fait pas très longtemps qu’on parle des otages, après presque 6 ans d’oubli… Lui ne les a jamais oublié et des milliers d’otages qui l’écoutent le disent, sans cette émission on aurait craqué.
Il recevra mardi 6 mai le prix “Perfil Internacional a la Libertad de Expresià³n“, pour son travail pour la liberté d’expression… Il le recevra en Argentine…
Via perfil.com envoyé par Patrick.
Un résumé pessimiste
Ces derniers temps j’ai écrit une petite série de billets innocemment réparti, le but n’étant pas d’être pessimiste, ce n’est pas tellement mon habitude… pourtant…
Le bilan des années de gouvernement d’Uribe est toujours positif, la “quantité” de violence reste largement en dessous de ce qu’elle était avant son arrivée au pouvoir. Cependant le futur qui se profile à l’horizon ne prédit rien de très bon.
En terme de sécurité Mancuso annonce que les paramilitaires se réarment et ont recommencé leur lutte pour le pouvoir local. En réalité ils n’ont jamais cessé complètement d’exister (suffit de voir les vagues de déplacés) mais il existe de forte chance que la violence augmente à nouveau. Les cultures de la palme africaine est un des nouveau business de cette mafia.
De la même manière les assassinats et les nouvelles menaces contre l’opposition, contre les syndicalistes et contre les défenseurs des droits de l’homme ne présagent rien de bon dans ce sens. Les groupes auto proclamés “paramilitaires de nouvelle génération” ont commencé leur labeur de “nettoyage”.
En terme d’économie les résultats ont beau être excellent (7% de croissance du PIB en 2007), le futur ne s’annonce pas grandiose. La crise économique aux Etats Unis affecter de plein fouet l’économie colombienne. Sans compter que le traité de libre échange a toute les chances de ne pas passer, ce qui ne devrait pas favoriser les exportations vers ce pays. Le problème est l’énorme dépendance de la Colombie envers les USA. Le gouvernement Uribe n’a, à aucun moment, cherché la diversification de ses alliés commerciaux. il faut ajouter à cela qu’il n’y a toujours eu aucun changement structurel, aucune volonté de redistribution à l’horizon… ce qui n’arrange pas vraiment nos affaires.
De plus, sauf changement de politique de la part du gouvernement la banque centrale devrait perdre son autonomie, ce qui peut permettre de cacher une éventuelle crise pendant quelque temps mais en accentuant les conséquences futures de celle-ci
De la même manière la presse a perdu son esprit critique et dépend totalement du pouvoir exécutif. La politique de sécurité démocratique avait déjà des malheurs au départ et la liberté de la presse n’a jamais été au top, même si ce n’est pas tout à fait pour les mêmes raisons…
Alors comme on ne change pas une équipe qui perd, il faut être sûr qu’elle perde (il parait que c’est un dicton marseillais…) Uribe va surement rester encore quelques années au pouvoir. Le parti du président fait les démarches pour changer la constitution et lui n’a rien contre.
La presse centralisée sous l’éxécutif
La presse, écrite, radio ou télévisuel en Colombie est relativement limitée, pas forcément en terme de quantité mais plutôt en terme d’idée. L’unisson est presque de rigueur!
Le seul quotidien national El Tiempo, est ouvertement pro gouvernemental. Il appartient à la famille Santos (la même famille que le vice président et le ministre de la défense) et depuis peu au groupe Planeta qui a garanti qu’il laisserait la même ligne éditoriale.
La proximité entre le gouvernement et ce journal peut avoir des effets monstrueux, comme ce fut le cas lors de la mort de Reyes.
El tiempo a publié des photos que lui avait fournies en exclusivité le gouvernement et qui montrait soi- disant le ministre équatorien Larrea en compagnie du guérilléro Reyes. Le gouvernement colombien en avait profité pour attaquer verbalement l’Equateur. Le fait est que sur cette photo le personnage en question était le président du parti communiste argentin…
A ce moment une série d’autres informations ont été publiées, directement filtrées de l’ordinateur de Reyes, dont sûrement une grande partie d’interprétation gouvernementale. El Tiempo a simplement servi pour communiquer les attaques du gouvernement colombien, sans jamais se poser une seule question.
Les autres quotidiens sont régionaux et cautionne du gouvernement actuel. Aucun doute n’est possible. La presse écrite se sauve légèrement avec 2 hebdomadaires El Espectador et Semana, un peu plus critique; Semana s’est notamment distingué lors d’une opposition contre Uribe, ce qui a valu des insultes de la part du président.
La radio dépend beaucoup de la télévision ou de grand groupe comme Prisa (espagnol) mais reste à mon sens la seule manière d’avoir une information complète, et même si elle est majoritairement uribiste c’est bien souvent la seule façon de pouvoir écouter l’opposition.
La télévision est en général une vaste blague, on peut considérer qu’il existe 2 chaines nationales, Caracol et RCN. Les deux sont absolument pro gouvernemental, je dirais même que RCN fait peur. Les informations présentées sur cette chaine sont grossièrement manipulées et commentées d’une manière pathétique par 2 journalistes qui se croient le centre du monde.
Les informations télévisuels se sauvent grâce a une petite chaine partagée entre plusieurs programmateurs. Les infos de CM& sont sans aucun doute les meilleures et même si le directeur est un uribiste affiché c’est un journaliste professionnel qui analyse et critique les informations. Et en plus les présentateurs sont bons et s’intéressent aussi à l’actualité du monde.
Le gouvernement projette d’ouvrir une 3e chaine de télévision, la gestion de la mise en place de celle-ci se fait à travers la Commission National de Télévision. Cette dernière est censée être plus ou moins indépendante mais Uribe a nommé son ancien secrétaire de presse à sa tête qui a réussi, à travers des décrets, à sortir toute opposition au sein de la commission.
L’ouverture de ce 3e canal est prévue pour 2009, de même que le renouvellement des concessions pour RCN et Caracol, ce qui permet au gouvernement de bénéficier d’un moyen de pression énorme sur les médias qui pourraient éventuellement vouloir penser autrement ou sur les éventuels investisseurs.
PS: et pour en ajouter un peu, comme si ce n’était pas suffisant, la Colombie est classé à la 126e place du classement de Reporters sans Frontières sur 169 pays. Le gouvernement n’est pas directement responsable le problème de la liberté de la presse est bien plus vieux que lui et les FARC ont largement leur part de responsabilité, cependant on na va pas dire qu’il a fait grand chose pour l’améliorer! Et ça j’en ai déjà parlé à plusieurs reprises: l’insécurité démocratique 2, la liberté de la presse, Uribe, antidémocrate…
La journée joyeuse!
Hier, 1 juillet, à l’instar du reste de monde à Bogotà¡ a eu lieu la manifestation pour défendre les droit des homosexuels. Cette onzième version a eu une touche protestation face au dernier coup foireux du congrès et de solidarité avec les onze députés morts alors qu’ils étaient aux mains des FARC.
Comme à son habitude la journée a été une démonstration de paix et de respect!
(photo El Tiempo)
sale journée
Tout était fait, les textes étaient prêts, en théorie la majorité était acquise, la plupart des congressistes avaient annoncé leur vote positif, les négociations avaient déjà eu lieu. Les homosexuels devaient avoir (enfin) le droit à posséder un patrimoine commun. Mais finalement les conservateurs du parti de la U retournèrent leur veste au dernier moment, ne remplissant pas leur promesse.
Triste nouvelle, deux jours à peine après l’entrée en vigueur de la loi qui cherchait mettre fin à la discrimination contre les homosexuels en Colombie, votée en décembre dernier.
Il reste encore du chemin à faire, mais c’est vrai que si les conservateurs jouaient franc jeu, on perdrait un peu moins de temps.
Une histoire qui ne devrait plus se reproduire
Martha Loay, une femme de 37 ans est morte d’un cancer. Jusque là son histoire n’a malheureusement rien d’exceptionnelle. Mais voilà , elle était malade d’un cancer relativement bénin, ou plutôt complètement soignable. Alors pourquoi? Pourquoi laisse-t-elle quatre filles de 3 à 18 ans seules?
L’histoire débute au moment où elle tombe enceinte pour la quatrième fois, les médecins lui découvrent un cancer du col de l’utérus. Mais voilà , pour pouvoir la soigner il faut qu’elle avorte.
Ciel, non… un avortement, c’est un péché.
Les lois colombiennes, interdisaient l’avortement jusqu’à la décision de la cour suprême l’année dernière le 10 mai 2006. Enfin, les colombiennes peuvent avorter dans certain cas, enfin elles ne sont plus obligée de mourir parce qu’elle sont tombé enceinte par accident ou parce qu’elles se sont fait violées. Ce jour là , le 10 mai 2006, Martha, malgré qu’elle sache que pour elle c’était trop tard, fut très heureuse. Elle annonçait avec soulagement “enfin la court a compris”
Si son application reste encore très compliquée, on peut aujourd’hui espérer que cette femme est la dernière à mourir pour ne pas avoir pu avorter.
Dépêche-toi on ferme!
Aujourd’hui j’ai pas le temps, les fins de semestre c’est la course, faut rendre des notes, rendre des articles discuter avec les étudiants qui ratent etc… mais je voulais quand même faire une petite note… histoire de dire que le canal RCTV (la première télé venezuelienne, anti-chaviste) a disparu du petit écran. Voici l’explication de monsieur:
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=bfTM9S5PZOQ[/youtube]
Selon les dire du troll en chemise rouge ce n’est pas une fermeture mais la fin de la concession. Chose très différente selon lui. Ah bon. En tout cas hier soir on a pu assister à la fin de la transmission de RCTV … A minuit un écran tout noir à remplacé les anti-chavistes. 15 minutes plus tard un nouveau canal le remplaçait, un canal institutionnel, un truc qui comme à Cuba, devrait nous montrer les superbes programmes sociaux du gouvernement. On aura peut-être même la chance de voir des télénovelas bolivariennes … où la servante, chantant l’international se marie avec un richissime PDG bolivarien d’une entreprise pétrolifère bolivarienne… On se réjouit!!!
Voilà un peu de liberté qui s’en va.
En Avant!!!
Il y a quelques années Bogotà¡ était encore un lieu vraiment hostile pour les homosexuels. L’homosexualité était considérée comme un délit, alors la police pouvait les embarquer. C’est bien connu: les forces de l’ordre travaillent avec zèle lorsqu’il s’agit de “tare social”.
Selon certains témoignages les homos se faisaient embarquer et emmener dans les montagnes environnantes pour être déshabillé et lavé à l’eau froide (à 3000 mètres d’altitude). Ensuite la police les abandonnait laissant avec leurs habits quelques kilomètres plus bas.
Dans certains quartiers où la présence paramilitaires reste forte les homos sont susceptibles de se faire tuer… ils appellent ça le nettoyage social. L’extrême droite a toujours eu beaucoup d’imagination.
Petit à petit les choses changent, jamais assez vite bien sûr, mais au moins elle change. La mairie de Bogotà¡ a lancé une nouvelle politique publique en faveur des droits des homos : “Bogotà¡ Territoire de Diversité”
Même s’il ne faut pas espérer de changement du jour au lendemain on peut se réjouir de la reconnaissance officielle d’une transformation de la mentalité déjà en cour.
On a déjà pu voir une campagne d’affichage dans toute la ville appelant au respect malgré les protestations de l’église catholique.
La liberté avance, l’église recule.
On pourrait utiliser la même phrase de conclusion pour le résultat du jugement qui opposait l’église et la revue pour homme Soho. Une photo représentant la dernière cène avec une femme au sein nu à la place de Marie Magdeleine (ou Jean selon la version) était à l’origine de la discorde. Le tribunal a préféré la liberté d’expression comme valeur de la société colombienne … on ne peut que s’en réjouir.
Dans le même ordre d’idée la cour constitutionnelle, ultime instance juridique du pays, avait autorisé l’avortement il y a peu de temps, elle va un peu plus loin aujourd’hui en enlevant la possibilité aux institutions médicales de refuser l’avortement pour raison de conscience dans les cas de viols, malformation du fétus et de danger pour la femme.
Les choses bougent et on ne peut que s’en réjouir!
La Suisse incohérente?
Lors d’une interview donnée au journal Le Temps de Genève, le vice-président colombien, Fransisco Santos accuse la Suisse d’être incohérente dans ses relations avec les FARC. Il affirme que le gouvernement colombien admet le processus de médiation que la Suisse, la France et l’Espagne sont en train de réaliser pour la libération des otages. Cependant, il ne comprend pas pourquoi le gouvernement suisse accepte la présence de représentants des FARC sur son territoire et accepte de loger la page web de cette organisation. Dans la même interview, Fransisco Santos espère que le gouvernement suisse va réagir et interdire lesdits représentants ainsi que la page web.
La réponse du Département Fédéral des Affaires Etrangères (DFAE) a été immédiate. Tout d’abord le gouvernement suisse considère les FARC comme partie intégrante du conflit colombien et elle ne possède pas de législation interdisant ces organisations, contrairement à l’Union Européenne. La seule organisation interdite sur le sol suisse est Al Quaida, cela à cause d’une décision du Conseil de Sécurité de l’ONU.
De plus le DFAE n’a pas connaissance d’une quelconque présence de membres de FARC sur son sol et le simple lien avec cette organisation ne suffirait pas à mener une action judiciaire à leur encontre.
Historiquement la Suisse est un pays démocratique et pour cette raison elle accepte, dans n’importe quel contexte, la présence de différentes idéologies sur son territoire. Lénine, Kropotkine, les nazis, le mouvement Dada sont passés, ou se sont réfugiés en suisse. Aujourd’hui on trouve des membres du Hamas, des juifs les plus conservateurs, des islamistes etc. On trouve aussi des organisations comme la Croix Rouge Internationale, qui joue un rôle important dans le conflit colombien, une partie de l’ONU, l’OIT, etc. et un nombre incalculable d’ONG.
La loi suisse permet cette diversité et tant que sa souveraineté n’est pas en danger, elle n’a aucune raison d’intervenir. De même la page web des FARC n’a aucune raison d’être interdite. Que le gouvernement colombien soit content ou non, la Suisse fonctionne d’une manière démocratique, chaque individu peut penser comme il veut. Si le gouvernement suisse se mettait à faire un nettoyage de toutes les pensées qui se réunissent sur son territoire la liberté d’expression serait sérieusement en danger.
Peut-être le vice-président colombien ne comprend pas l’importance de la liberté d’expression dans une démocratie?