L’opération militaire de sauvetage d’Ingrid Betancourt, des trois mercenaires nord américains et de 11 militaires colombiens est présentée officiellement comme une opération parfaite, résultat d’un long travail de renseignement et d’une superbe planification. Nombreux experts admettent que ce type d’opération est absolument exceptionnel, et que jusqu’à présent les seuls capables d’une telle prouesse étaient les israéliens, l’exemple le plus connu étant le sauvetage d’une centaine de passagers d’un avion kidnappé en Ouganda.
L’armée colombienne a, jusqu’au jour d’aujourd’hui, plus la réputation de violer les droits de l’homme que de réaliser des prouesses techniques. Pourtant ces dernières années la situation à bien changée, et la coopération militaire autant avec les Etats Unis qu’avec Israà«l commence à porter ces fruits.
Depuis 1999, la reforme militaire interne et la mise en place du Plan Colombie, paquet de coopération entre les Etats Unis et la Colombie pour lutter contre la production de drogue, a permis à la police et aux militaires colombiens de reprendre l’initiative dans le conflit interne. L’échec des pourparlers de paix entre les FARC et le gouvernement en 2002 et l’arrivée au pouvoir d’Uribe va encore accentuer cette tendance militariste. Le ministère de la défense colombien, qui considère que le matériel US n’est pas suffisant demande à l’entreprise israélienne Global CST de venir restructurer les services de renseignements colombiens.
Un groupe d’ex-généraux israélien commence donc leur labeur, officiellement début 2007, et modifie le fonctionnement des différentes agences colombiennes. Les résultats se font rapidement sentir, à la moitié de l’année 2007 les premiers coups durs sont portés aux FARC : l’attaque du campement du « Negro Acacio » initie une série d’attaques réussies en termes militaires. La culmination est le bombardement du campement de Raul Reyes en Équateur, qui donnera lieu à une crise diplomatique qui n’en fini plus, mais qui permettra aux militaires colombiens de montrer que le secrétariat des FARC, l’organe suprême, n’est pas intouchable.
Suite à cela vient la mort d’un autre membre du secrétariat, Ivan Rios, tué par son bras droit et enfin le décès du chef historique des FARC, Tirofijo. La confiance des militaires est au sommet et les FARC entrent en décadence. Dans un tel contexte il est donc possible d’imaginer une opération parfaite, une opération de sauvetage des otages les plus précieux du pays.
La version officielle prétend une infiltration au plus haut niveau chez les FARC, de faux ordres et un montage hollywoodien. En termes militaires, avec la technologie présente et les capacités actuelles des militaires colombiens l’opération est parfaite mais possible, même si plusieurs détails laissent à penser qu’elle ne s’est pas exactement passée comme le prétend le gouvernement colombien.
Fin mai le président Uribe annonçait qu’un groupe de guérilleros des FARC qui détenait Ingrid Betancourt et les autres étaient prêt à les relâcher contre leur immunité et une récompense. L’idée entre parfaitement dans la politique de « récompense contre démobilisation » mise en place par le gouvernement depuis quelques temps. Il est donc largement probable que l’opération ait été négociée avec un petit nombre de guérilleros. La Radio Suisse Romande confirme ce matin cette version, prétendant l’achat de cette libération pour la modique somme de 20 millions de dollars. Cette version est tout aussi probable que la première, chaque camp, détracteur ou admirateur du président Uribe, croira celle qu’il préfère. Mais contrairement à ce que prétend la RSR, si Uribe l’a accepté c’est n’est surement pas pour « redorer son blason », sa popularité en Colombie est telle que la question est plus de savoir combien de temps il voudra rester, que de savoir s’il va être réélu ou non.
Si on préfère cette dernière version, l’opération de sauvetage militaire peut alors être considérée comme une mascarade, mais finalement c’est un montage tout aussi glorieux, car non seulement il a permis la libération des otages sans effusion de sang, mais en plus il sème le doute au sein de la guérilla.