– Je comprends pas, professeur, pourquoi n’ont-ils rien fait ?
– Vous ne comprennez pas, ou vous ne voulez pas comprendre ? Personne n’était prêt à renoncer à son mode de vie, et l’on était dans une période où le paradigme néo-libéral était à son apogée. Persuadés que l’économie était le ferment des peuples, que comme le disait Montesquieu “le commerce adoucit les moeurs”, on ne voulait pas changer de direction.
– Pourtant, dès les 25 dernières années du 20ème siècle, des intellectuels et hommes politiques ont pris position, non ? Ce fameux “Club de Rome”, “Le protocole de Kyoto”, tous ces mouvements “verts”, qui étaient autant d’appels politiques au changement… non, vraiment, je ne comprend pas. C’était une catastrophe annoncée, la population le savait, j’ai même retrouvé des journaux d’époque qui en s’en faisaient la tribune ! Pour une fois, c’était au vu et au su de tout le monde.
– Je vois que vous avez déjè effectué des recherches poussées. Effectivement, un tel évènement n’avait pas pu être caché à la société civile, et des débats tout azimuts fleurissaient sur les ondes télévisées, radiophoniques, et même sur ce qu’on appelait “la presse écrite”. Mais on temporisait, on préférait choisir à l’époque ce qu’on estimait être le moindre mal, à savoir le développement économique. Personne ne voulait prendre de mesure draconienne, sous le prétexte que l’industrialisation amenait le bien-être économique, seul garant du bonheur.
– Mais enfin, c’est idiot, on aurait pu répartir les sources énergétiques entre les régions, et dans le même temps, tenter de diminuer l’utilisation des ressources productrices de CO2 au niveau global…
– Votre raisonnement se base sur des imprécisions. Le monde était divisé en “nations”, et personne ne souhaitait être dirigé au niveau global. D’autre part, on décrédibilisait les agitateurs en les présentant comme des “cassandres” de la couche d’ozone. En réalité, on se voilait la face, comme c’était le cas dans la période “d’entre-deux-guerres”, au sujet d’Adolf Hitler. Et surtout, relisez les papiers de Mancur Olson… bien que datant un peu, il a une description exhaustive de la gestion des biens publiques : l’égoïsme individuel était roi.
– Oups, j’ai pas creusé ces pistes… merci beaucoup. Néanmoins, je persiste à avoir de la peine à comprendre pourquoi, alors que tous les individus avaient des informations détaillées, n’ont pas voulu changer de mode de vie. Pourquoi, alors qu’on était au courant de la future fonte des calottes glaciaires, du changement climatique, des destructions environnementales annoncées, on ne ne s’est jamais résolu à prendre des mesures URGENTES. A problème critique, réponse critique ! Comment pouvait-on avoir une telle vision à court terme, et préférer le développement immédiat, vraiment, je ne comprends pas.
– Croyez-moi, cher étudiant, beaucoup d’individus, à l’époque, ne comprennaient pas plus que vous aujourd’hui.