Pas besoin de s’étendre sur ce que l’analyste politique peut penser du bilan de Berlusconi en Italie : rarement un homme politique aura réussi à liguer aussi fortement contre lui à la fois les élites syndicales et patronales. L’homme qui, à défaut de ressembler à Mussolini, s’est allié avec sa petite-fille (Alessandra Mussolini, mouvement néo-fasciste), est resté proche de la Mafia, a jeté des millions d’Italiens lors de la réforme de la loi du travail, a fédéré des millions d’autres autour du rejet de la guerre en Irak, s’est fait voter des lois personnelles, a corrompu des membres du gouvernement britannique, est malgré sa liste d’échecs longues comme un jour sans pain au coude à coude avec Romano Prodi, du centre-gauche.
Un mépris constamment affiché envers les juges, envers la presse, envers ses adversaires. Un populisme au sens de tout ce qu’a de plus immonde la fonction politique : se voyant avoir le dessous dans un débat, Berlusconi fût capable de faire une promesse de dernière minute, une baisse d’impôts à près de 80% des Italiens. Si le président du Conseil italien est incapable de soutenir la pression d’un débat, peut-on vraiment lui confier les rênes de la péninsule ?
Bilan désastreux, certainement le plus mauvais qu’on puisse trouver en Europe de l’Ouest (France mise à part), autant sur le plan intérieur qu’extérieur : altercations au parlement européen, arabophobie affichée, et pourtant la moitié des Italiens auront voté pour lui. Quelque soit le résultat définitif, il sera si serré que chacun des candidats pourra quitter l’arène la tête haute. Et comme en Allemagne, on risque d’avoir une demande de recomptage des voix.
Rarement un homme se sera autant moqué des individus qu’il a choisi de gouverner; mais lorsque ces individus le plébiscitent, peut-être est-on en droit de se demander si ceux-ci ont encore toute leur raison. Tout comme aux USA, le débat des “valeurs” aura obscurcit celui des résultats, comme si ce qui était accompli sur le terrain était accessoire. Comme si une alliance néofasciste, après avoir déjà fricotté il est vrai avec des hommes aussi peu recommandables qu’Umberto Bossi (Ligue Lombarde, parti ayant pour objectif la scission de l’Italie) ou Gianfranco Fini (Alliance nationale, droite démocratique, mais homme à l’histoire tellement fasciste qu’Israël hésite toujours à le recevoir) était acceptable. Non, le manque d’information, le manque d’intérêt dans un pays où ce type d’élection atteint régulièrement 80% de participation, ne seront décidément pas des excuses.
Les hommes politiques sont beaucoup moins responsables de leur médiocrité qu’on veut bien le faire croire. Après tout, dans les démocraties, chaque peuple a les élites qu’il mérite.
Italiani, siete realmente dei coglioni.