L’ampleur que prend l’affaire des caricatures danoises du prophète Mahomet dépasse l’entendement. Alors que le quotidien Jyllands-Posten publiait au mois de septembre 2005 quelques images humoristiques caricaturant le prophète, à l’image d’une bombe prenant la place d’un turban sur sa tête, le scandale n’est sorti que depuis quelques semaines. Plus de 3 mois ont été nécessaires pour découvrir “l’insulte” faite à la religion musulmane, qui ne permet aucune représentation de ses hommes saints ou de Dieu. Trois mois : de là à dire que ce n’est qu’une querelle savamment orchestrée, il n’y a qu’un pas. De plus en plus perdus sur le plan idéologique, les extrémistes islamistes de tout poil se font en ce moment un plaisir de faire feu de tout bois.
L’appel au boycott dans le monde arabe des produits danois semble imbécile : soit, mais ne le mettons pas sur le compte d’une imbécillité proprement musulmane, puisque cela ressemble à s’y méprendre aux boycotts étasuniens des produits de luxe français, il n’y a pas si longtemps. A imbécile, imbécile et demi.
D’autre part, il faudrait réfléchir un peu plus à froid sur la sacro-sainte liberté d’expression : est-ce que celle-ci signifie qu’on peut tout dire ? Déjà, la Grande-Bretagne a amorcé une compréhension restrictive de ce droit, en raison de la guerre contre le terrorisme. Mais plus encore, au vu des réactions alarmées d’un certain Occident si attaché – tout d’un coup – à ses principes libertaires est d’une hypocrisie sans limites. D’autant plus que ceux qui sont le plus attachés aujourd’hui à ces libertés, sont les mêmes qui hier, accordaient si peu d’importance à la défense de ces mêmes libertés et voulaient mettre tout le monde sur écoute. Deux poids, deux mesures, l’affaire cache en réalité un fort sentiment occidental d’islamophobie.
La preuve ? Le quotidien français France-Soir reproduit aujourd’hui les caricatures danoises, clamant sont attachement à la liberté d’expression. Bien sûr, la décision des rédacteurs en chef de publier ces dessins n’est en aucun cas liée à la situation financière catastrophique du quotidien, qui tente en ce moment même d’éviter la banqueroute. Bien évidemment, que les ventes explosent et que les projecteurs se braquent sur le journal resteront le fruit du hasard.
Vont fleurir à nouveau, mais on commence à y être habitué, des florilèges d’explications “civilisationnelles” pour nous faire croire que l’incompréhension entre Occident et Orient est irrémédiable. Bien sûr, l’argument HuntingtonLa théorie de cet auteur repose sur l’idée que le monde est séparé en 7 ou 8 grandes civilisations. Chacune d’entre-elle se doit d’avoir un “Etat phare” (leader), et doit intervenir aussi peu que possible dans les affaires des autres. Les conflits sont censés être plus nombreux aux points de contact entre les civilisations. Avec un manque de rigueur conceptuelle constant, et une xénophobie visible, Huntigton a construit une théorie très pratique pour les réflexions à courte vue. reste le joker roi lorsqu’on veut s’éviter une analyse un peu plus approfondie des évènements et de leur portée. En l’occurrence, de se demander à qui profite le crime (Arabie Saoudite et médias), qui sont les procureurs autoproclamés (les mêmes à brandir le djihad, qu’il soit occidental ou oriental), et de quoi parle-t-on (liberté d’expression, qui n’est pas un blanc-seing pour gratuitement choquer une communauté).
Et si la vraie caricature c’était l’instrumentalisation de notre liberté d’expression ?
1.02.2006 Cela dépasse outrageusement le seul besoin d’exister, et cela se répand en Europe : l’allemand Die Welt, l’italien La Stampa et l’espagnol El Periodico s’y sont mis. Accompagnés d’édito comme “L’opposition des musulmans serait prise plus sérieusement si ils étaient moins hypocrites” (ma traduction). J’ai tenté de trouver les éditos (directement liés) chez les Espagnols et les Italiens, sans succès. Mais vu à chaud, je dois dire que la stupidité et l’infantilisme de ces journalistes me stupéfait.
Si on m’interdisait de montrer des viols collectifs d’enfants avec animaux, est-ce que j’aurais le droit d’en appeler à la liberté d’expression ? La liberté d’expression, bon sang, est là pour dénoncer, pas pour gratuitement choquer. Pour rester dans le si bas niveau de discussion actuel : “La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres” (désolé). Donc, il est de la liberté des musulmans de ne pas voir baffouer leur sacré. Oui, ça ne vole pas haut.
2.02.2006 Je ne sais pas si ça va calmer les esprits, ou au contraire attiser la haine et l’incompréhension, mais le rédacteur en chef de France Soir s’est fait virer.
😎 :p
Pour l’image de barbu, il te suffit soit de choisir l’un des avatars à dispo en bas de cettee page (“En tant qu’utilisateur régulier de ce site, vous êtes autorisé à enregistrer votre propre avatar.”), soit de te créer un gravatar. J’ai une préférence certaine pour cette dernière option, mais c’est toi qui voit comment te débarasser du barbu qui te colle à la peau.
Pour le surplus… J’hésitais d’abord à te répondre sur ton blog directement, mais je crois qu’il est plus sage de créer un nouveau message. Parce que c’est long, et que je ne suis pas, mais alors pas du tout d’accord avec toi. Et c’est assez drôle, puisque cette fois-ci, c’est moi qui vais endosser le rôle du pragmatique 🙂
Ping : BLOG - NOTES [ Yann ]
Et pis quand vas-tu arrêter de me coller cette image de barbu??
Bon… Je ne suis radicalement pas d’accord avec toi, cela ne t’étonnera pas. Donc, une réponse avec trackback…
Well, I’m more direct than you : who had ever doubt about ? 🙂 I still remember boycotts called upon France from USA, or boycotts called upond USA from France at the very beginning of year 2003; and I still persist in saying that’s a stupid way to behave. Mainly because no one put really a boycott.
Well, I prefer the West way of understanding freedom of expression than the chinese one 🙂 but that’s exactly the point : freedom is not unlimited, fact that most of european journalists seem to have forgot.
Anyway, thanks for your article, and moreover, thanks babelfish : without it, I’d never be able to understand anything but “Nichts” 🙂
JC, I do support your double argument and want to highlight the importance of the second:
– The reactions we currently see go way beyond the acceptable. Violence and boycos, in my eyes are short-sighted, “too easy” and not targeted enough. Would have chosen another word than “imbécile”, however.
– Freedom of expression is, as every freedom that does not want to infringe on other freedoms, not illimited. The publication of these images was not necessary at least. I would go further and say: it was ignorant and/or led by a wrongly perceived duty to defend ones “principles”. Or how the author of a highly recommended article (http://www.nzz.ch/2006/02/06/fe/articleDJUCL.html “Was bedeutet Toleranz heute?”) puts it:
Was verlieren wir an Freiheit, an Lebensqualität, an Selbstverwirklichungsmöglichkeiten, wenn wir freiwillig, respektvoll oder tolerant darauf verzichten, den Propheten einer anderen Religion zu karikieren oder überhaupt darzustellen? Nichts.