La nouvelle est tombée hier comme un couperet pour les utilisateurs du P2P : le plus gros serveur du système edonkey/emule, connu sous le nom de « Razorback 2 », a été saisi en Belgique, et son possesseur, un Valaisan (Suisse), arrêté.
Comment ce serveur a-t-il pu rester en place durant, si mes souvenirs sont bons, presque 4 ans (depuis la date du premier serveur appelé « ed2k »), reste du domaine du mystère pour moi. Un mystère qui tient peut-être au comportement traditionnel des entreprises de musique en Europe, consistant à faire de temps à autre un coup d’éclat, puis à laisser se tasser les choses d’elles-mêmes. Un tradition qui s’est radicalement modifiée depuis le mois de novembre 2005, où l’IFPI annonçait vouloir lancer la « plus grande vague d’actions judiciaires contre le partage illégal de fichiers ».
Dans ce précédent article, j’exposais déjà certains des mensonges dont les Majors du disque ou du cinéma, ainsi que les associations qui ont pour objectif de défendre leurs droits, abreuvent le grand public. La désinformation, axée principalement autour de la baisse catastrophique de leur chiffre d’affaire – et dont je pense avoir démontré le mensonge – n’hésitait pas à contenir dans sa conclusion une assimilation douteuse des téléchargeurs à des criminels purs et durs.
La raison de cette guerre d’image est due au besoin impérieux de disqualifier le téléchargeur. Parce que tout le monde a déjà téléchargé – directement ou indirectement, par l’entremise d’un ami – un album, un film ou un programme, il fallait à tout prix salir les « pirates ». Démontrer que les pertes pour l’économie sont énormes, et qu’à ce titre le téléchargeur est un criminel.
La bataille idéologique continue avec l’affaire de Razorback; la MPAA, association de défense des intérêts des producteurs cinématographiques, annonce dans son communiqué de presse relatif à la saisie du serveur Razorback, que celui-ci avait un but lucratif :
The operators of Razorback2 had clear financial motives. In addition to collecting « donations » from users, revenue was also generated through the sale of advertising on the site, usually promoting pornographic websites.
Razorback était un site commercial, en ce sens qu’il générait effectivement de l’argent. Mais l’argent était intégralement utilisé pour financer la – gigantesque – bande passante nécessaire pour son fonctionnement, ainsi qu’à l’achat du matériel informatique. Revendiquant une transparence totale, le webmaster – un banquier, si ma mémoire est toujours bonne – affichait sur son site web quels montants étaient perçus, et à quelle utilisation ils étaient affectés.
Un bilan, clair et accessible en deux clics de souris : site commercial, soit, mais avoir à le présenter comme un site à but lucratif est significatif de ce besoin constant de discréditer les « ennemis » que s’inventent les industries du disque et du cinéma. Pour enfoncer le clou, la MPAA prend soin de citer le terme « pornographie », histoire que tous les fantasmes du Net resurgissent de l’inconscient du grand public. Ainsi le communiqué mentionne que
The operators of this eDonkey site chose not to exercise control over files being traded by users which including those containing child pornography, bomb-making instructions and terrorist training videos.
La pornographie seule risquant de ne pas être assez brutale, il pouvait sembler opportun d’ajouter enfantine. Lorsque l’on sait avec quel soin extrême les administrateurs de Razorback ont procédé à la mise en place de filtres destinés à empêcher la recherche de pornographie enfantine, on ne peut qu’en rester baba. L’attaque liée aux « instructions pour la construction de bombes » et la « formation de terroristes » est, quant à elle, tellement imbécile – comme si le P2P était nécessaire pour de telles choses – qu’il n’est pas nécessaire d’y répondre. Nourris au cinéma hollywoodien, les responsables des plaintes n’ont pas peur d’affirmer que
Razorback2 was not just an enormous index for Internet users engaged in illegal file swapping, it was a menace to society
Bill Pullman n’aurait certainement pas mieux dit dans Independence Day : le 21 février, les USA, tout en se battant pour eux-mêmes, ont sauvé le monde.
Pour gagner contre les pirates, qui sont des dizaines – des centaines – de millions, mener le combat à coup de propagande était un préalable. Les Majors l’ont toujours su.
trot bien
Depuis, d’autres serveurs P2P sont tombés. Mais parce que les jusqu’au-boutistes Majors n’ont toujours pas saisi la nature d’internet, qui échappe à des actions « classiques », des dizaines d’autres serveurs sont apparus.
A noter toutefois une lente évolution des moeurs, puisque Universal déclarait récemment ouvrir son système de distribution à ce que réclamment les internautes, et se rapproche de facto d’une licence globale.
S’éloignerait-on progressivement des publicités scandaleuses montrant un type cagoulé devant son ordinateur, avec la légende « télécharger, c’est du vol » ? On peut enfin le croire….
C’est ignoble de faire tomber un p2p, je ne pense pas que tout les utilisateurs sont vicieux au point de faire du mal à des enfants.
Quant à Windaube franchement ce qui se trouve gratuitement n’est pas vraiment un vol en soit. Sinon il faut choisir minux et se taper des migraines nonononononono désolé :[
Bile666, l’ancien administrateur de Razorback, s’exprimera lors d’un débat public à Genève:
Son thème: Musique et vidéo sur internet: sommes-nous tous des pirates?
Pour plus d’infos et pour s’inscrire:
http://www.tsr.ch/tsr/index.html?siteSect=200017
Un sondage important vient d’être publié au sujet des téléchargements illégaux et des habitudes de consommation. Il a été commandité par les grandes maisons de disques et, très ironiquement, contredit beaucoup des croyances répandues par celles-ci. Lire ici :
http://www.michaelgeist.ca/
J’ai oublié de préciser une petite chose sans importance : avant hier, j’ai téléchargé l’album « Gainsboug revisited ». Si, si, je suis un délinquant ! Autant j’adore Monsieur Gainsbourg (RIP), autant cet album est une honte pour la musique ! Ces propos n’engagent que moi. Je peux vous assurer, promettre et même jurer que aussitôt écouté, aussitôt effacé. Je suis désolé pour les 13.86€ (14 chansons) qui ne feront pas partie du C.A. des producteurs de disques.
Signé, un musicophile qui n’achète pas n’importe quoi et qui préfère essayer avant d’acheter.
On parle du P2P et je suis concerné et consterné. Informaticien et téléchargeur moi-même, je déplore vivement la saisie des serveurs et la qualification de pirates. Le terme approprié pour qualifier les personnes téléchargeant des contenus protégés par des droits d’auteurs sont tout simplement des voleurs. Rien de plus naturel que de voler une pomme sur un étalage de fruits ou de voler le fisc en « oubliant » de déclarer certains revenus. Je vous livre une analyse plus que simpliste, mais le rapport est évident. Comparer Razorback à Alkaïda est un pur sketch de majors américaines qui livrent un combat perdu d’avance. Il est techniquement possible de contrer le P2P, mais on n’engage pas des milliars de dollars et on ne mobilise pas des gouvernements et des milliers de policiers pour arrêter quelques (millions) chapardeurs de droits d’auteurs. On attaque donc la source du problème : le fabicant d’étalage! Plus d’étalage = plus d’envie de pommes = plus de vols. Plus de voleurs de pommes = consommation des pommes en baisse = fermeture des producteurs de pommes = faillite des majors de l’industrie du disque! La seule solution : laisser faire et sortir quelques coups d’éclats de temps en temps, et comme on ne peut pas arrêter tous les voleurs de la terre, on « emmerde » un ou deux fabricants d’étalages, on confisque le matériel du pauvre petit commerçant. Matériel qui sera, bien sûr, remplacé le lendemain par un autre fabricant d’étalages.
Quand Philips a inventé la cassette audio, on a applaudi. Quand Philips a inventé le lecteur/enregistreur on a applaudi. Ensuite on a crié au scandale pour la contrfaçon des cassettes. Quand Philips a inventé le CD, on a applaudi, Quand Philips a inventé le CD vierge et le graveur, on appaludi. On crie maintenant au scandale. Il faudrait savoir : ou on progresse dans la technologie ou on stagne. Quand le format « mp3 » a été inventé, on a applaudi et maintenant c’est devenu le sale môme de la société. qui suivre, les petits génies de la techniques qui font évoluer les choses ou les majors américaines du disques qui ont peur pour leur bénéfices ?
j’espère que cette réflexion remontera vers nos politiciens et qu’ils arrêtent de sortir des lois destinées à tuer le monde des logiciels libres, et qu’ils avouent publiquement ne pas avoir à combattre des pirates, mais des petits voleurs dont le butin se chiffre à 0.99€ par chanson !!!
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Sans aller jusqu’aux formats sans pertes, un mp3 en 128k écouté au moyen d' »enceintes classiques » n’a quasiment aucune différence avec le CD original. Et surtout, tu peux le copier à l’infini sans aucune déperdition (gravure pour un copain, envoi par mail). Les cassettes, au bout de 2-3 copies, c’était bon pour la poubelle.
Oui, c’est l’arguement régulièrement utilisé par les défenseurs de la copie numérique. Et au vu des ventes de DVD et CD, qui continuent à croître au même rythme – ou presque – que la copie numérique, j’ai assez tendance à le croire aussi 🙂
Merci pour le compliment 🙂 Mais je ne suis pas tout à fait d’accord avec toi sur la comparaison : les vhs ou les cassettes audio ne reproduisaient pas à l’identique le produit copié. Ou encore, l’Etat ne pompe pas du 70% à l’artiste (même avec l’ISF, on n’arrive pas à un montant pareil). Les majors, par contre, ne s’en privent pas.
Sinon, entièrement d’accord sur l’idée que l’art doit être libre, et non réservé à une élite ! 🙂
Tout est question d’exigeance. Il y a des gens qui ne supportent pas le MP3 128kbps. Il y a des gens qui trouvent la qualité d’une cassette tout à fait irréprochable et qui s’en contentent parfaitement.
Par contre d’accord pour ton deuxième point, la possibilité de reproduire le fichier à l’infini (le propre de la technologie numérique). A mon avis le problème se situe plus à ce niveau, et surtout au niveau de l’ampleur que peut prendre la diffusion sur Internet, où la copie ne coûte rien (contrairement à la copie sur cassette ou même CD, où il faut d’abord acheter le média vierge).
D’un autre côté, le p2p non plus, si ? Convertir un CD audio en MP3 implique une perte de qualité, fut-elle minime. Tu as des formats sans perte (loseless), mais ça ne va pas de soi. Et dans tous les cas, tu n’as pas le packaging qui va avec le produit original (et qui fait partie de la valeur du produit, ne serait-ce que parce qu’il a un coût).
bel article!! je tenais a rappeler que la bande audio sous forme de cassette(inventée par phillips-France!) etait dans le meme collimateur de ces dite majors….casseuses d’art et voleuses d’argent …. ensuite on a revu la meme crainte avec les cassettes vhs.. faut arreter le delire ..si j’aime vraiment j’achete sinon j’ecoute et je jette ..avant j’etais obligé d’acheter un disque complet pour une chanson que j’aimais maintenant je fais mon tri …. et je n’achete que ce qui me plait vraiment !!! p2p power!!!….un choix avant l’arnaque!!! pis encore un truc si ca doit faire perdre de l’argent a qqn c bien a l’etat qui pompe du 70% d’impots sur artiste que sur l’artiste lui-meme constament traqué par ce meme fisc… que l’art soit dispo a la plupart des gens et non a une elite!!
Merci 🙂 Mais je reste avec un goût amer dans la bouche : que va-t-on voir dans les médias ? Une reprise souvent mot-pour-mot du communiqué de la MPAA, car :
1/ Il n’y pas assez de journalistes dans les grands médias qui aient une expertise informatique suffisante pour en parler;
2/ Il est difficile, dans un contexte où le téléchargeur était déjà d’office un « pirate destructeur des emplois d’honnêtes gens » autrefois, et carrément « pirate pédophile terroriste fabriqueur de bombes » aujourd’hui, de prendre la parole. Le travail de sape des Majors porte ses fruits; le journaliste voulant ne serait-ce que nuancer « les arguements » des Majors serait disqualifié d’office.
J’avais constaté que le serveur été tombé, je m’attendais au pire…
Excellent article, bravo.