Redistribution des cartes en politique : les Verts s’imposent en Suisse romande

Lorsque l’analyste ou le journaliste commente un événement relatif au parti des Verts, il est de bon ton de débuter par un jeu de mots. Je sacrifierai toutefois à cette tradition, qui a tendance à infantiliser un parti qui n’a plus rien d’un débutant. En effet, les Verts se sont non seulement professionnalisés, pouvant prétendre aux élections législatives un peu partout en Europe, mais ils sont entrés par la grande porte dans des gouvernements européens (jusqu’à occuper le ministère des affaires étrangères en Allemagne, avec Joska Fischer), conquérant ainsi l’exécutif.

Depuis les années 60 et la réflexions des scientifiques du Club de Rome, le chemin parcouru est proportionnel au nombre de mises en gardes des scientifiques, de catastrophes nucléaires, agricoles, animales ou climatiques provoquées par les comportements à risques adoptés par nos nations. Considérés comme utopique hier, le discours Vert (plus que simplement écologiste) s’est imposé comme base de discussion au sein de tous les partis. Aucun discours programmatique à portée générale ne peut aujourd’hui être énoncé sans mettre en avant le respect de normes de CO2 ou le recyclage des déchets, exemples parmi tant d’autres.

Cependant, comme le prouvent à la fois les difficultés rencontrées par les « dissidents » des partis traditionnels de droite voulant créer des mouvances écologistes, et à la fois les résultats électoraux des partis Verts, les citoyens préfèrent l’original à la copie. Peut-être parce que les Verts, justement, se sont hautement professionnalisés au fil du temps, assumant progressivement de plus en plus de responsabilités politique, et les exerçant – semble-t-il – à satisfaction des électeurs. Du moins, les résultats de ces derniers mois en Suisse le laissent penser.

Après Neuchâtel, Genève, le raz-de-marée des Verts (et de la gauche en général) se poursuit en terre romande, dans le canton de Vaud cette fois-ci. Si les partis traditionnels de centre-droit et de droite ne parviennent pas à enrayer l’effilochement de leur base électorale, c’est la confirmation que la politique change. Les thèmes abordés sont nouveaux, la manière de les présenter aussi; depuis la prise fracassante d’un deuxième siège UDC (Union démocratique du centre, parti xénophobe d’extrême droite) au sein du Conseil fédéral et de la fin de la formule magique [1], les partis traditionnels ne parviennent pas à stopper l’hémorragie et la fuite de leurs fidèles d’autrefois vers les nouveaux partis.

A Genève, signe de la vigueur et de la confiance qui anime les Verts, le parti se paye le luxe de mettre à sa tête un jeune homme, Antonio Hodgers, âgé d’à peine 30 ans. Il faut reconnaître, néanmoins, que sa jeunesse n’est pas synonyme de manque d’expérience; entré au parlement à l’âge de 21 ans, le voilà chargé d’une décennie d’apprentissage des règles politiques et rôdé à son jeu inhérant.

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Les Verts bénéficient d’un atout immense : tout le discours est à créer, il n’y pas de « tradition verte ». On ne devient pas Vert parce que son grand-père l’était, on ne rentre pas dans le parti pour défendre ses propres intérêts. Bien que dorénavant très professionnels, avec des compétences politiques affirmés, les partis Verts tiennent encore de la soupe primitive où leurs membres amènent leurs propres ingrédients personnels.

Chance formidable pour les électeurs, les Verts suisses ne sont ni dogmatiques, ni naïfs. Mais en face, l’ennemi le plus sérieux, l’extrême droite, progresse lui aussi. Premier parti suisse, l’UDC n’a rien de la bête tapie, sortant de sa tanière au grand étonnement des analystes, lors d’une élection présidentielle. Au grand jour, le parti ouvertement xénophobe réussit le tour de force d’avoir une base électorale si large qu’elle contient de très nombreux immigrés de première génération. Exemple, s’il en est besoin, que la Suisse ne connaît pas de problème d’intégration. Ses immigrés sont tellement nationalistes qu’ils en oublient eux-même leur origine.

Les pays latins d’Europe peinent encore à faire confiance aux mouvances vertes. Il ne fait aucun doute, toutefois, que ces prochaines années les partis français, italien ou espagnol devront intégrer de manière plus concrète les soucis écologistes et réformer leur façon de faire la politique. A défaut, le risque est de voir l’extrême droite occuper encore plus le champ politique, phénomène qui s’observe de manière continue dans tous les pays européens.

Donner d’autres réponses que la peur et la simplification, s’imposer dans des pays traditionnellement réticents à l’écologie, tels sont les défis que doivent relever les différents partis Verts en Europe. Mais après avoir réussi à convaincre l’opinion publique qu’il fallait agir pour le bien de notre planète, qu’il fallait renforcer les liens entre citoyens, ou que la qualité et le prix de la nourriture sont notre affaire à tous, on peut se mettre à espérer.

Longue carrière politique à toi, Antonio.

Références

  1. La formule magique était une coutume qui voulait que les postes de Conseillers fédéraux – ministres – soient consensuellement répartis entre les grands partis : deux ministères pour les socialistes, deux pour radicaux, deux pour démocrates-chrétiens et un pour l’UDC[]
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