Les débats autour de la fiscalité reprennent en Europe, après une bonne décennie de (relative) tranquillité. Tristement, à une décade d’écart, ce sont les mêmes rengaines autour de l’imposition. Car harmoniser la fiscalité, en Europe, c’est au moins aussi compliqué que d’avoir un embryon de constitution. Les droites veulent baisser les impôts directs, les gauches les stabiliser, voir les augmenter.
Pourquoi ? Parce que les droites sont libérales : c’est à dire qu’elles espèrent qu’en diminuant les impôts directs (taxe sur le revenu), l’incitation à travailler se fera plus vive. En effet, lorsqu’on voit le résultat en espèces sonnantes et trébuchantes, lorsque travailler plus est rapidement sanctionné par des conforts divers, tout le monde se met à produire plus, et in extenso à consommer plus. Au final, une économie qui s’emballe, et où tout le monde s’enrichit.
Ou parce que les gauches sont socialistes : elles trouvent injuste de voir de faire ponts d’or aux personnes fortunées pour les attirer dans leur pays et de diminuer les impôts directs, puisque cela se fait au détriment de la justice sociale. Elles pensent d’autre part que les impôts directs sont parmi les plus justes, puisqu’ils taxent les revenus : lorsqu’on consomme, c’est qu’on a les moyens. On relance l’économie en augmentant le pouvoir d’achat des classes moyennes, c’est à dire en taxant progressivement (plus on gagne, plus on paie) par le biais de l’impôt sur le revenus, car les classes qui consomment, ce sont les classes moyennes, justement. L’impôt est le meilleurs outil de répartition équitable du produit de la nation, évitant une trop grand précarité des plus démunis.
Ce qui est remarquable c’est que, malgré la décennie écoulée, personne ne prend en compte dans le débat d’autres angles de discussion. Et si la société n’était plus que partiellement une meute assoiffée de consommation ? Et si toutes les idées de “décroissance”, de “consommation responsable et solidaire” avaient fini par toucher la population ? Non, avouons-le, quelles chimères !, ça ne tient pas debout. Et pourtant, il faudrait peut-être commencer à en tenir compte, n’est-ce pas ? Ou est-ce que trier ses déchets et acheter de la nourriture biologique permettrait d’éviter le réchauffement climatique à eux seuls ? C’est bel et bien notre mode de consommation qui est en cause, notre modèle économique. Il est impossible d’avoir un débat sur la fiscalité et de faire l’économie de parler de développement durable; pourtant, c’est le quotidien des pays européens. Quelques vagues promesses, un ou deux pactes d’engagement non contraignants signés, mais personne (sauf dans les pays nordiques, bien sûr) ne prendra le risque de renvoyer dos à dos croissance économique et réchauffement climatique. Et pourtant, parlez de ce dernier, et voilà que politiciens de tous bords se mettent à hurler (avec les loups) leur attachement à une politique écologique. L’illusion avec laquelle on tente de nous rassurer, c’est que la croissance reste possible, qu’il suffit de corriger de peu la direction suivie par nos sociétés, qu’il ne s’agit que d’un ajustement. Un peu à l’image du débat autour de la désindustrialisation en Europe, où les politiciens qui osent dire haut et fort que les salariés de l’industrie ne retrouveront pas d’emplois se comptent sur les doigts d’une main.
Le débat sur la fiscalité est peut-être l’une des raisons la plus démonstrative du besoin d’avoir des partis Verts dans l’arène politique européenne. Etre Vert, ce n’est pas seulement être un écolo qui ramasse sur la route l’oiseau percuté par une voiture; c’est aussi faire en sorte que la route ne traverse plus des régions où des oiseaux se reproduisent. Etre Vert, c’est garantir une équité nationale, mais aussi internationale; les problèmes du Nord sont ceux du Sud, et vice-versa. Etre Vert, c’est comprendre que si dans la chaîne alimentaire l’homme est au sommet, cela implique de préserver cette chaîne, ne serait-ce que pour rester au sommet. Et accepter qu’être au sommet implique d’avoir à gérer tout le bas de la pyramide.
La valeur du travail est primordiale pour toute société. Tout comme la famille. La fiscalité d’un pays doit inciter au travail, mais aussi assurer un minimum de répartition sociale. Cependant, à trop utiliser des valeurs issues d’époques où l’homme n’avait pas découvert l’électricité, on risque de ne plus y voir très clair : cessons d’avoir encore et toujours les mêmes débats, et osez, messieurs les politiciens, vous aventurer dans des domaines où vous n’excellez pas (encore), ces terra incognita à défricher pour avoir encore quelque chose à semer dans quelques décennies. Prouvez que le souci écologique n’est pas que l’apanage des partis Verts…
Yann, j’ai rectifié trois phrases en raison de ta pertinente remarque et ma stupide erreur. Cela dit, cela ne change absolument rien au raisonnement du message originel.
Et remplace évidemment dans mes messages subséquents “impôt indirect” par “impôt direct”, je les laisse en état.
psychochatte : évidemment que ce serait pertinent, mais totalement inapplicable. Si la délocalisation d’usines et d’entreprises de services devient relativement facile, le transfert d’argent est ENCORE plus immédiat. C’est pourquoi ce type d’imposition passerait obligatoirement par un accord mondial; en se restreignant à un niveau étatique, l’échec est programmé.
Cela dit, je précise que le but de mon message était d’attirer l’attention sur le fait que nos modèles économiques sont productivistes, et que ce soit à droite ou à gauche, tous tablent sur la hausse du PIB.
:choler: :choler: :choler: :choler: :choler: 😆 :-p :-p
Ne serait-il pas plus juste de taxer l’argent qui dort (épargne, fonds…) et qui ne sert à rien plutôt que la consommation, qui fait vivre la société. Ces taxes encouragent les écureuils parasites… :-p :-p
Ton billet me pose quelques problèmes. Soit je t’ai mal compris, soit il comporte des erreurs.
Tu écris
Or, la TVA n’est pas un impôt « visible » pour celui qui la paie in fine, puisqu’elle est un impôt indirect. Elle est payée à l’Etat par les entreprises, qui la répercutent sur les consommateurs. Comme cette taxe est incluse dans le prix des biens et des services, elle n’est pas d’emblée visible par le consommateur, qui doit en calculer le montant (ce qu’il ne fait en fait jamais). Ce n’est pas du tout comme l’IFD, qui se présente sous la forme d’un bulletin de versement reçu à la maison (et qui peut faire mal au porte-monnaie). Dans le cas de l’impôt direct, on sait donc exactement ce que l’on paie, contrairement à la TVA. Ce qui fait dire à la droite que la TVA est un impôt “indolore”…
S’il y a un bord politique qui défend la TVA, c’est donc bien la droite. La gauche y est absolument opposée, puisque la TVA est un impôt proportionnel. Donc non progressif, donc antisocial et injuste. La gauche la considère comme son ennemi fiscal absolu, puisqu’elle taxe la consommation des classes défavorisées et moyennes de la même façon qu’elle taxe celle des classes aisées… En revanche, la droite s’est toujours montrée partisane de cette forme de taxation. Il faut voir à ce sujet le projet du Parti radical, adopté à l’instigation de Pierre Maudet, président des Radicaux genevois : il propose de supprimer l’IFD et de le remplacer par la taxation indirecte (TVA et taxe dite écologique, frappant la consommation d’énergie).
En effet, la gauche plaide pour la fiscalité directe et progressive, considérée comme la plus équitable, puisque calculée en fonction du revenu et du patrimoine. En revanche, il est totalement faux de dire que la fiscalité directe taxe la consommation: la consommation est taxée via la TVA, qui est, comme je l’ai dit, un impôt indirect.
Ce n’est pas tout à fait exact… Le PS est pour l’adhésion à l’UE. Cela signifie, si la Suisse entre dans la Communauté (ce jour me paraît très, très loin), qu’il faudra adopter le taux minimal de TVA harmonisé en vigueur dans l’Union, qui est de 15% (même si la réalité fiscale européenne est plus complexe que cela). On en a donc déduit que le PS était pour une TVA de 15%. Ce qui est un peu court. Mais il est sûr que le PS reste ambigu sur la question, se contentant de dire qu’il faudra rediscuter de la fiscalité en cas d’adhésion, sans propositions concrètes.
Un « impôt indirect progressif » ? Il faudra m’expliquer ça…
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Ca, je ne te le fais pas dire. Ce qui n’empêche pas le PS suisse d’avoir dans son tiroir un projet pour monter la TVA à 15%.
Les seuls impôts qui seraient équitables : impôt indirect entièrement progressif (et fuite des capitaux subséquente), ou imposition des biens de luxes (voitures, télés, tous ces trucs non nécessaires). Dans les deux cas, c’est un régime soviétique que l’on met en place.
Adieu l’égalité.
C’était exactement l’exemple que j’avais en tête. L’homme qui bosse pour la chaîne qui “vend du temps de cerveau disponible pour coca-cola” (sic, Le Lay) a fait l’objet d’un portrait au vitriole dans un petit journal anti-mondialiste que j’ai découvert il y a peu. Je pense que j’en citerai quelques extraits.
En tout cas, je ne comprends pas Hulot. Je suis persuadé qu’il est sincère, mais ces choix sont tellement idiots…
La PAC, sous son aspect productiviste, est condamnée par tous les partis Verts européens. Je te défie de m’en trouver un qui parle d’autre chose que de répartition équitable des richesses à l’échelle de la planète. José Bové en tête.
Peut-être Cohn-Bendit, remarque… 🙂
Le goût de l’effort, ou le rejet du divorce facile, je trouve ça important. Deux domaines qui nous renvoient d’ailleurs à l’enfant, mais pas uniquement.
Ca fait si mal que ça ??? Si ça continue, tu vas me resortir le “no future”… :aie:
“lorsqu’on consomme, c’est qu’on a les moyens”
ouais sauf quand ce sont des produits de bases… la TVA sur tous les produits d’alimentation de base sont super injuste, car tout le monde en consomme et au bout du compte les pauvres payent le même impôt que les riches.
“Quelques vagues promesses, un ou deux pactes d’engagement non contraignants signés”
Tout à fait d’accord .. l’exemple français est (une fois de plus?) pathétique … le pacte Hulot est une vaste blague. Plus vague tu meurs… je me demande où il a mis le label Ushuaia… s’il est pas sur le pacte c’est qu’il est resté chez L’Oreal ou .. Atol! ou etc.
“Etre Vert, c’est garantir une équité nationale, mais aussi internationale; les problèmes du Nord sont ceux du Sud, et vice-versa.”
Ça c’est pas gagné, même chez les verts…j’en connais pas des masse qui sont prêt à faire l’effort du commerce équitable à grande échelle … je parle pas d’acheter des produit bio ou équitable mais d’un commerce juste… sans subvention monstrueuse! (Genre la PAC de l’Union Euro)
“La valeur du travail est primordiale pour toute société. Tout comme la famille.”
Ça, par contre, ça fait mal…
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