abracadabra, regardez ma main, je suis deux
Lorsqu’un film est prenant, c’est une splendide baffe. Lorsqu’il est intelligent, c’est un aller-retour sans appel. Que se passe-t-il alors lorsqu’un réalisateur réussi le tour de passe-passe d’orchestrer ce que connaît de mieux le langage cinématographique à la baguette d’une palpitante intrigue ? The Prestige laisse pantois devant tant d’ardeur et d’audace. Et nos joues ne le remercient pas.
Le 5ème long-métrage de Christopher Nolan était attendu. Réalisateur de l’OVNI Memento et du plus classique mais ô combien réussi Batman Begins – capable de nous faire oublier les deux précédents commis par Schumacher -, le moins que l’on puisse dire c’est que Nolan épate. Aime l’esbroufe. Se joue de nous. Court derrière les artifices. Il aime le cinéma, et partage avec talent sa passion de la mise en scène. La scène, le mot est lâché : magie et cinéma se conjuguent de concert sur les planches, et seront inextricablement liées le film durant dans une allégorie appuyée, qui aurait encore gagné en force si elle n’était pas aussi explicite. Qu’importe, sont au rendez-vous les ingrédients les plus imposants du 7ème art, ne faisons pas la fine bouche.
L’histoire rassemble Hugh Jackman (The Fountain , X-Men , Van Helsing ) et Christian Bale (American Psycho , Batman 5 & 6), deux magiciens qui se livrent un duel sans merci pour s’épater l’un l’autre. Le film s’ouvre en les montrant patauger dans une petite salle, ne maîtrisant pas tout à fait les rouages artistiques et spectaculaires de la magie, et se poursuit en narrant l’histoire de l’ascension – et de la chute – de ces deux meilleurs ennemis, qui iront de traîtrises en roublardises pour assouvir leurs appétits de reconnaissance, recourant au chantage, au kidnapping, à la prostitution de sa concubine – et ce n’est qu’un bref aperçu sommaire : dans cette course à la lumière des projecteurs, il n’y a pas de seconde place. Le suspense est omniprésent, on se demande quel sera le prochain pion sacrifié pour soumettre l’adversaire.
L’ambiance est froide et les décors sombres, le Londres dans lequel évoluent les protagonistes est sale, mal entretenu, les portes décrépites, une matérialisation de notre imaginaire collectif sur ce que pouvait être une ville industrielle au XIXe siècle, portée par son développement inégal. Les prises de vues sont parfois tellement serrées que se dégage une atmosphère de huis-clos, on plonge dans cet univers de turpitude où rien n’est épargné. Un univers d’obsédés et de perfectionnistes, gangrené par le secret, détruit par l’ambition. Est-ce ainsi que Nolan voit le cinéma ?
Analyse
Car The Prestige est un allégorie, une suite de métaphores présentant la magie et utilisant le langage du cinéma. Nolan tient l’art de l’étrange pour frère du cinéma, son précurseur peut-être même. Tout semble rassembler les deux arts : la mise en scène, la pratique de l’allégorie (!), et cette capacité à faire passer les mensonges les plus énormes pour la réalité. Et du côté du spectateur, qu’il ne faudrait pas oublier, car sans lui, aucun art n’a de sens, c’est la même attente : qu’on lui en mette plein les mirettes, et qu’on ne lui expliques pas les trucs, ou alors bien plus tard. « Comment, tu n’as pas compris le but de notre art ? C’est d’amuser », explique à l’agonie Angier à Borden. Ce but partagé par les deux arts siamois, tellement soudés que Nolan paraît être une maman qui ne distingue plus ses deux enfants jumeaux. Au final, parle-t-il vraiment de magie, ou seulement de cinéma ? « Personne ne regarde le type dans la boîte », n’est-ce pas ?
(ne pas lire la suite à moins d’avoir vu le film)
Tout est double. Deux Nolan sont à l’origine du scénario : Christopher et son neveux, Jonathan. Puis des jumeaux, que Nolan en crée à foison avec une machine. Ils poussent comme des chapeaux sur un champ, comme des Angier dans une salle de spectacle, comme des frères Borden, comme des femmes interchangeables (chaque magicien en aura deux). Le chiffre deux, c’est évidemment celui de la dualité. Celui du yin et du yang, celui du bien et du mal, que Kubrick unissait chez Guignol-Jocker dans Full Metal Jacket en lui faisant porter une inscription sur son casque Born to kill et arborer un pin’s Peace and Love. Loin de tout manichéisme, les principes opposés ont pour objet la négation mutuelle, certes, mais ils coexistent dans la nature humaine, nous soumettant aux affres de la dissonance. Et c’est l’autre thème majeur du film : le déchirement humain, incapable de concilier ses polarisations positives et négatives.
dualité et complémentarité
Ces nombreuses contradictions, qui nous poussent à explorer diverses facettes de notre être, Nolan le limier en piste un certain nombre. Comment marier la éussite professionnelle et familiale, avec bien sûr les tourments de(s) Borden(s) et sa femme Sarah (une Rebecca Hall très peu convaincante). Faut-il faire primer la forme ou le fond dans son art, avec évidemment le duel entre les deux magiciens. Car Borden est le doué, le créatif, qui privilégie l’art par-dessus les paillettes. Angier, c’est l’inverse, celui qui popularise l’art, qui grâce au strass, sort l’art des cercles des initiés seuls. Mais qui n’a malheureusement aucun talent, et qui à ce titre, jalouse son collègue. Autre dualité encore, peut-on s’embarrasser d’éthique lorsqu’on veut réussir ? Tuer des pigeons pour amuser la galerie durant quelques secondes, mettre en péril sa vie ou celle d’autrui, afin de faire entrer son nom à la postérité ? Que dire également de la science et la magie, antonymiques dans leur objet : le premier veut tout savoir, tout désacraliser, incarné par les obsessions de Nikola Tesla (un somptueux David Bowie), alors que le second cherche à mystifier l’individu ? La science dit les choses, brutalement parfois, alors que l’art les suggère. La première évolue dans l’univers du concret, le second dans celui de l’immatériel.
Nolan a l’intelligence de ne livrer aucune réponse. Il n’y pas de réponse en prêt-à-porter, justement. Le jeune réalisateur se contente de questionner, remuant les bas-fonds d’un Londres victorien, où l’ère industrielle bat son plein, et où l’homme mute en consommateur, cherche à s’assommer à coups d’alcool ou de spectacle, pour oublier les rigueurs extrêmes de son travail à la chaîne. C’est aussi l’une des forces de l’oeuvre, montrer comment la dévastation humaine pousse à se mettre en spectacle ou à demander au spectacle de faire oublier son quotidien. Avec à la clé, que l’on soit sur la scène à jouer ou sur un siège à regarder, le bénéfice de se prendre pour un autre. La fuite au moyen d’un masque est si tentante.. vivre la vie d’un autre semble tellement plus facile… Balivernes, tonne Nolan dans une scène – l’un des rares passages où le réalisateur prend position – où Angier découvre que la vie de son concurrent, qui semble cumuler toutes les signes extérieurs de réussite, est incapable de profiter des plaisirs de la vie les plus simples. Au spectateur de ne pas placer sur un piédestal le mystificateur qui le fait tant rêver, car malgré ses tours extraordinaires, il passe à travers les mêmes doutes, tout comme lui. Après tout, « le prestige », c’est le retour à la normale ?
Le bonbon et son emballage
Angier, comme Borden, a sa propre approche du métier. Il aime l’emballage, il excelle dans la présentation du « produit » magie. Son truc à lui, c’est la forme; ses tours sont simples, facilement compréhensibles par un professionnel, mais qu’importe, il a le spectacle dans le sang. Tout le contraire de Borden, l’enfant fécond de la magie, alignant sans cesse des nouveaux tours élaborés, méprisant la facilité, mais incapable de trouver un écrin à sa richesse créative pour l’offrir au public. Deux personnalités que tout oppose, et pourtant… complémentaires, car incomplètes l’une sans l’autre. Chacun reconnaît dans l’autre ce qui lui manque. Angier veut de manière obsessionnelle connaître le truc de l’homme transporté, et Borden veut mettre sur pied les tours les plus novateurs qui soient. Et malgré ces différences, malgré les tentatives de meurtres qui s’accumulent, chacun vie pour l’autre; les deux magiciens, au-delà de leur opposition symbolique et philosophique, ne vivent que dans l’espoir de susciter l’admiration chez l’autre. Voilà un aspect cocasse du film : les deux hommes se haïssent, mais cette hostilité est intrinsèquement liée à une recherche de reconnaissance par son pair, sans qui cette course effrénée vers la gloire serait sans objet. Ainsi, bien que l’enjeu soit d’abattre l’adversaire, la réussite elle-même est conditionnée à son ennemi; à chaque étape, parce que la magie c’est avant tout du spectacle et que sans spectateur elle n’a plus de raison d’être, l’adversaire doit assister au triomphe du magicien concurrent. L’un sans l’autre n’est rien : les deux antinomies cohabitent, le yin sans le yang n’a aucun sens, on ne comprend le yin que parce le yang existe. C’est le principe même de la philosophie orientale, au coeur de The Prestige . Est-ce un hasard si Nikola Tesla était instruit en sanskri et en pensée orientale ?
En d’autres termes, pour s’accomplir, un magicien (et par conséquent, un réalisateur) doit savoir marier le fond et la forme. Chaque magicien n’atteint le sommet de son art que lorsqu’il parvient à mêler les deux. David Copperfield, remercié à la fin du film, est vu comme une source d’inspiration par Nolan : maître passé dans son art, prototype exemplaire du showman, il parvient, dans un déluge de grandiloquence, à faire rêver le public en réalisant des tours dont personne ne saisit les astuces. Le met exquis qu’il sert à ses convives contient l’assaisonnement adéquat; attirant l’oeil, ils sont goûteux au palais. Le plaisir des sens, le fond et la forme réunis dans toute leur gloire.
La question du sacrifice, soulevée à maintes reprises, reste évasive sur le regard porté par Nolan sur son art. En effet, il postule que pour manier avec virtuosité son art, il faut être prêt à tous les sacrifices; est-ce à dire que les sacrifices de Nolan résident dans les concessions faites à la forme ? Ses premiers long-métrages se concentrant plus sur le fond, la réalisation de Batman Begin est-elle vue comme un accouchement dans la douleur ? Ou plus simplement, ces sacrifices reposent-ils sur la tâche souvent ingrate de la promotion de ses films ? Peu d’indices semblent nous aiguiller dans une direction spécifique. Ne nous reste que l’interrogation.
De la science artistique
La dichotomie entre la science et l’art s’incarne sous les traits d’Angier, mais surtout de Tesla. Ce dernier, opposé à Edison – pour qui il a travaillé – a lui-même son nemesis à affronter. Edison, bien plus populaire, qui jouait avec brio de l’apparat et du fantastique, préconisait l’utilisation du courant continu aux Etats-Unis. Il refusait de donner suite à la proposition de Tesla – alors son collaborateur – d’utiliser le courant alternatif. Et pourtant, c’est ce dernier qui s’imposera… alors que tout le monde retiendra le nom d’Edison. Le mythe efface la vérité.
Angier, ambitieux, se tourne vers la science de Tesla. Parce qu’il maîtrise la forme mais pas le fond, il se dirige vers l’ennemi – partiel et temporaire – de l’art, la science. Cette science qui viendra pallier le manque de talent du magicien. Une science froide et austère, déshabillée, mais étonnante et qu’il saura mettre en valeur. Ici encore, parce que l’artiste obtient le mariage des principes opposés (le faux et le vrai, le fond et la forme), la réussite est totale. Magicien qui se dirige vers la modernité, il anticipe le glissement qui va voir l’art se nourrir de la science. Il est le précurseur ni plus ni moins du… cinéma ! Un cinéma qui saura habilement utiliser les découvertes scientifiques, pour mettre en scène ce que les hommes de science sont incapables d’expliquer au publique. A ce titre, la scène du musée où Tesla effraye les badauds venus admirer ses recherches, est éloquente; ils fuient, terrorisés par la tournure des évènements. Les scientifiques ne savent enrober le fond, au contraire des magiciens et des – futurs – cinéastes. Les scientifiques se basent sur des faits, alors que l’art les contourne, les enjolive, les mets en valeur; il parle à son public.
C’est une manière détournée de critiquer l’attrait pour le sensationnel du grand public; il ne s’intéresse pas aux faits, mais à leur mise en scène. Un état d’esprit que l’on apprend à avoir, inculqué dès le plus jeune âge; raison de la scène de l’enfant qui comprend qu’un oiseau est sacrifié dans le tour qui fait croire à la disparition du volatile. Il n’est pas dupe, du moins, pas encore.
Une bien belle ballade artistique
Le réalisateur est-il parvenu à nous faire oublier notre quotidien ? Certainement, il faut avouer que l’illusionniste a plus d’un tour dans son sac. Jouant avec le temps et avec le montage tel un sorcier, le réalisateur britannique livre là une oeuvre intelligente et équilibrée. On peut cependant lui reprocher la place faite aux femmes, critique pouvant s’adresser sa filmographie en général : réduites aux rôle accessoires, elles ne sont que des excroissances masculines. Pire, Nolan va jusqu’à en faire de simples perturbatrices dans The Prestige , des obstacles sur le chemin des mâles qui veulent réussir : que ce soit Sarah qui irrite son mari (même si celui-ci regrettera plus tard son égoïsme), Olivia Wescombe (Scarlett Johansson) réduite à n’être qu’un présentoir humain et un cheval de Troie pour les magiciens. La gente féminine est annexe chez Nolan, aussi bien dans Batman Begins que dans Memento. Prudence avec le terme de misogynie, mais avouons que jusqu’à aujourd’hui, ses histoires restent des histoires d’hommes. Comme si les femmes ne comptaient pas.
Avec une telle maîtrise du temps et de la narration, Nolan le prestidigitateur place la barre très haut. On ne peut qu’espérer, égoïstement, qu’il soit longtemps prêt à faire des sacrifices.
C’est bien qu’un article développe un peu la critique du film (redondance est en fait un élément moteur à mon avis du film) qui est moins anodin qu’il n’y paraît et qui livre peut-être la clef de tous les autres films de Nolan comme le suggère cet article :
http://freakosophy.over-blog.com/article-nolan-cineaste-du-prestige-114198828.html
Mais je ne m’arrête pas qu’à la formule triptyque du tour, je veux dire que celle-ci est à l’exemple de tout le film. Et je m’autorise de cela parce que précisément, il la donne pour le paradigme même de son film. A ce titre, ce qui pour moi touche (assez heureusement) cette formule touche le film tout entier. Dans l’ensemble, le souvenir que j’en ai est que tout est beaucoup trop appuyé, de la psychologie des personnages à l’histoire qui ne fait pas sens. Bref, je ne vais pas répéter ce que j’ai déjà dit, mais pour moi on assiste à un truc assez étrange avec ce film : tous les ingrédients étaient là pour faire un chef-d’oeuvre, un excellent réalisateur (enfin, jusqu’à ce film précisément), une histoire riche, de très bons acteurs (surtout le duo masculin), etc… et malgré tout la sauce ne prend pas, le cuisinier n’a pas été frappé de génie, ça manque de naturel, l’abus de flash-back est totalement indigeste… Bref, pour moi ça n’a pas fonctionné 🙂
Dis-moi une chose : tu parles de redondance pour Prestige, mais tu colles ce mot aux 3 phases du tour. Mais le coeur du film, lui, est une histoire sur le cinéma. Ainsi donc, ta redondance tant honnie, n’est apposée que sur le superficiel du film; l’intérieur, lui, n’a rien de redondant.
Pourquoi t’attarder sur la redondance de l’emballage ?
Ce que j’entends par « redondant » me fait penser à une réflexion d’Adorno à propos de l’utopie, et précisément lorsqu’il en est question dans une oeuvre d’art. En gros, son truc est de dire qu’une oeuvre d’art est une forme d’utopie en tant que telle, du fait même qu’elle existe, si elle est une oeuvre d’art réelle, elle échappe aux déterminations imposées indûment par la totalité sociale. Du coup, si elle est explicitement utopique, qu’elle expose explicitement un « message », de manière immédiatement sensée, qu’elle formule une signification claire et sans ambiguïté, elle n’est plus qu’un slogan, une formule évidente, alors même que selon lui l’une des fonctions de l’art est précisément de remettre en cause les catégories habituelles de signification, mettre à mal nos catégories de compréhension. (Ce en quoi, justement elle est utopique). Du coup, si l’oeuvre d’art est explicitement utopique, elle devient redondante, et en cela elle n’est plus utopique. Car cette dimension se joue dans sa forme même, plus que dans son contenu, et en ce sens on (ou une oeuvre d’art) peut très bien être ou se déclarer tout à fait utopique, dans le fond de ce qui est exprimé, et en réalité l’être très peu dans la forme même. En gros pour donner une image on peut très bien tenir un discours qui a des allures révolutionnaires et être en réalité complètement réac.
Bref, je ne sais pas ni si c’est très clair, ni si ça explique ce que je veux entendre par « redondance », toujours est-il que ça illustre peut-être un peu l’idée. Dans le cas présent, ce que je veux dire par redondant, c’est que tout est très explicite souvent dans les films de Nolan, ça manque un peu de finesse, c’est souvent un peu trop pompeux, un peu trop édifiant. Dans the Prestige, c’est très frappant, cette trinité des moments du tour, qui est transposée dans le film même, pour moi ça ne fonctionne pas, ça manque de subtilité. Pas tant dans l’idée d’ailleurs, que dans la manière de la faire travailler : trop évident, trop explicite. Pour moi un film doit fonctionner comme fonctionne la séduction : rien ne doit être dis, tout dois être implicite et pourtant évident, ou en tout cas pas trop appuyé. Souvent Nolan fait l’inverse, dans ses derniers films du moins, il dit ce qu’il fait et fait ce qu’il dit après l’avoir dit (désolé pour la formule :p ). Bref, c’est parfois un peu trop appuyé, c’est dans ce sens là que je parlais de redondance. « Pas la peine de me dire ce que tu fais, montre le moi bien. Et si tu te sens obligé de me le dire, c’est que tu ne sais pas bien me le montrer » aurais-je envie de lui dire si je me laissais emporter par ma faconde! (ouais, je suis fatigué ce soir, faut me pardonner, un peu trop bossé aujourd’hui! :p ). Et je pourrais dire un peu la même chose pour Batman, quoique moins explicitement démonstratif, pêche un peu trop par là, genre le commissaire et sa voie off, ainsi que les défauts que j’ai identifié plus haut. C’est également ce que je voulais dire quand je disais que je trouvais ses films (les derniers en tout cas) souvent un peu trop pompeux ou emphatiques. Il y a là dedans une espèce de ronflance un peu prétentieuse qui n’a pas tout à fait les moyens de son ambition, tels que je ressens ses films en tout cas 🙂
Spiderman, tiens, il y a longtemps qu’on ne me l’avait plus faite, celle-là. J’étais d’abord passé à côté du film en raison de la forme marvelesque, puis un ami m’avait fait remarquer la qualité de certaines scènes, principalement dans le premier : l’éveil de l’adolescence, avec ses sentiments de culpabilité lors de la découverte du sexe, explicite lorsque spiderman s’amuse à lancer ces toiles partout dans sa chambre, et d’un coup, sa grand-mère fait irruption dans et le prend sur le fait. Tel un ado s’adonnant aux plaisirs coupables du 5 contre 1, il se cache sous ses couvertures. Des détails qui m’avaient échappés, mais… à le(s) revoir à nouveau, je peine à trouver autre chose qu’un questionnement superficiel, allant plus loin qu’un « super-héros ne peut avoir de copine », chose que Nolan évacue en 3 coups de cuillère à soupe dans le premier Batman (tout à la fin). Sam Raimi ne m’a jamais convaincu, et même son Plan simple reste très… simple. J’ai l’impression que la communauté cinéphile se gorge un peu vite de raccords ou de scènes un tant soit peu réussies, uniquement parce que sur le papier, il s’agit d’un film d’action, et que réussir à insérer un discours dans ce type de format tient de la gageure.
Alors bien sûr, tu pourrais me rétorquer que tu en as autant à mon encontre concernant Batman 🙂 Mais j’ai la faiblesse de croire que son discours dépasse ce qu’il est de coutume de voir dans le genre. Que contrairement à Spiderman, les dichotomies individualisme/société, bien/mal sont traitées avec subtilité, et non avec les gros sabots de films qui en font des contes pour enfants. A ce titre, Batman n’a pas à choisir entre ces dichotomies : les deux l’habitent. En dehors du choix sur la vengeance (début de Batman begins) où il choisit la société sur l’individualisme (il choisit de ne pas se mettre en dehors des règles sociétales), Batman accepte et assume ses parts ténébreuse et lumineuses. Ainsi, dans la clôture finale de Dark knight, que tu exècres, il endosse un meurtre qu’il n’a pas commis. Pas parce qu’il est un héros (tout le discours du film détruit ce concept, justement) mais parce que l’image qu’il projette, artificielle, a les épaules assez larges pour un tel poids. Lui, parce qu’il est homme, ne le pourrait pas; Batman, ce n’est pas vraiment lui, mais plutôt la projection fantasmagorique d’une population en manque de repères, incapable de faire face à ses démons. Une invention mythologique qui, comme toutes ces inventions, des Grecs anciens aux auteurs de BD modernes, rassure. Les histoires, de l’Illiade à Batman, sont fausses; d’où « ce n’était pas le héros que l’on méritait, mais celui qu’il nous fallait ». Car l’homme a besoin de mythes caricaturaux pour dépasser sa condition humaine, voilà le discours en filigrane. Autrement plus ambitieux que dans Spiderman, tu l’avoueras.
Quant aux faux batman… ils servent justement le discours ! Ce sont ces copy cats, lancés dans un mimétisme ridicule infantile, que sont ces hommes qui se croient l’égal d’un mythe ! Il sont cependant mal amenés, je le concède. Mais ils ont une place importante dans la construction du film puisque, tels des Icares, il se brûlent les ailes à courir derrière des chimères. Personne ne fait le poids contre un mythe sans aucune réalité. On est dans un monde inventé, personne ne peut vraiment voler; sont-ils si naïfs qu’ils prennent pour la réalité des mythes ?
Casino Royale est sans nul doute un bon film d’action, mais est-il autre chose ? Dans cette veine cinématographique propre à ces 10 dernières années, on retourne aux sources des super-héros. (D’ailleurs, Batman ne fait pas exception). Mais y a-t-il autre chose qu’un James Bond classique ? L’action est plus rythmée, mais je peine à voir autre chose qu’une longue course poursuite avec une histoire d’amour (qui finit mal). Plus violent, plus frondeur et insoumis, mais il reste une resucée d’Au service secret de Sa Majesté. Même le décors du casino était déjà là…
Par contre, il faut que tu m’expliques un point qui est revenu à plusieurs reprises dans tes critiques : qu’est-ce qui, au juste, est si explicite dans Prestige ? Tu parles de « redondance », de « signification explicite », mais quelles sont les redites de Nolan qui te dérangent tant ?
Oui, je crois qu’on arrivera pas à se mettre d’accord, et c’est tant mieux! (d’autant plus que je me soupçonne au fond d’être d’une intolérable mauvaise foi avec ce film que tout le monde a aimé :p)… Ceci dit, je comprends bien la contrainte propre à ce genre de film, et je suis le premier fan de films d’action. Effectivement dans le genre du super-héros, ça reste un film de bonne qualité. Mais on peut quand même en citer d’autres, où la noirceur et l’ambiguïté son moins affichées comme des labels du film, mais sont tout de même présentent en fond, et peut être de manière plus fine finalement. Le 2nd spiderman, par exemple, était absolument excellent, du point de vue de la construction et des références cinématographiques, mais même les personnages étaient assez bons. Le méchant était tout à fait délicieux, et il y a une vraie ambiguité chez spiderman, qu’il n’y a absolument pas dans ce batman là, tout à fait monolithique. Je pourrais citer également le dernier James Bond, Casino Royale, qui du point de vue de l’action est irréprochable. Ceci dit, je me demande si ma réticence ne tient pas justement à cette tentative de lier les contraires, et ce de manière si explicite, qu’il y a dans ce film : gros blockbuster qui veut faire intelligent. Je ne suis pas sûr que le genre de l’un soit vraiment compatible avec l’autre dimension, tout au plus peut on en donner l’illusion. Pour moi la qualité d’un film de genre tel que le film d’action / super-héros, tient à ses qualité essentiellement cinématographiques, à savoir le discours formel qui est déployé pour formuler le film : cadrage, manière de faire sens avec les images, articulations entre les scènes d’action / repos, etc… Et c’est là, je trouve que le bât blesse avec ce batman. Je le redis, mais la voix du commissaire à la fin, avec ses phrases bien appuyées moralement est d’une lourdeur qui frise le ridicule, l’ouverture du film au début avec les « faux-batman » n’est pas très lisible. Par là je veux dire que ce qu’il nous donne à voir, par les choix de cadrages et de mouvements de caméra notamment (travelling circulaires en veux tu en voila), ne fait pas bien sens, c’est un peu loupé. De manière générale, c’est un peu surchargé je trouve, un peu pompeux, exactement le même type de défaut cinématographiques que dans The Prestige : à tellement vouloir signifier explictement, ça en devient redondant, et cela signe en creux une incapacité à faire sens avec des moyens proprement cinématographiques. Pour le dire encore autrement, je trouve les films de Nolan souvent confus, The Prestige et ce Batman en tête (exceptons Memento, qui est confus aussi mais que j’aime, je ne laisserais personne dire du mal de ce film là :p ), et du coup on a un peu trop facilement tendance à faire passer la confusion pour de la complexité… 🙂
J’insiste, les raccords de Nolan son époustouflants; à la différence près, évidemment, qu’il a 60 ans de retard sur Orwell. A savoir, il nous fait croire ce qu’il veut à travers les apparences du film, mais le propos est bien plus complexe. La narration est une montée en apothéose comme j’en ai rarement vu. L’un des plans m’a même fait penser à Kubrick, celui où Angier est dans la morgue, à côté de la bière où est entreposée sa femme : tout en blanc et noir, l’image est étriquée, le désespoir insinuée comme du poison dans une boisson. Ou encore, ces ambiances à la Sleepy Hollow, lorsque Angier, encore lui, va trouver Tesla.
Quant à Dark Knight… je te prie de me citer un film du genre qui lui arrive à la cheville. Un film de super-héros où, en lieu et place du sempiternel « il est magique, c’est un héros à notre image », on assène un plus complexe « ce n’était pas le héros que l’on méritait, mai celui qu’il nous fallait » (sous-entendu, ce n’est pas de « bien » dont nous avons besoin). Je suis allé voir ce film, comme bien souvent, n’ayant rien entendu à son sujet. Je ne savais même pas que Heath Ledger était mort, c’est dire. Je n’avais donc pas vu le train m’arriver en pleine face, et cela fit mal. Joker est non seulement extraordinaire dans ce film, avec une profondeur que je n’ai jamais vu dans un thème de ce genre (le thème assez limité au final du super-héros), et surtout, une noirceur… délectable. J’aurais peut-être préféré voir le bateau contenant les prisonniers sauter (sous-entendu, la société se débarrasse de ses mauvais éléments, alors que ses mauvais éléments sont peut-être gratuitement et artificiellement mauvais), mais le mal, dans tout ce qu’il a de plus humain et dévastateur m’a semblé être dépeint comme dans un tableau de la renaissance sur l’enfer. Pas d’échappatoire, nous sommes tous déjà dans le purgatoire. Le propos est le goût pour l’auto-destruction, la sauvagerie individuelle et sociétale : qu’est-ce que c’est bien rendu ! Alors bien sûr, ça reste un film d’action (qui plus est de super-héros) avec un propos qui, en raison des contraintes inhérentes (temps consacré à l’action), perd de sa superbe. Mais il m’a rarement été donné de prendre autant mon pied avec des courses-poursuites, tout en trouvant un message aussi développé. Qu’est-ce que tu veux mettre en face, Die Hard ? Superman, ou l’une de ces innombrables « marveleries » ? Compte tenu de la forme imposée, Nolan ne s’en sort pas si mal, non ?
On ne se mettra pas d’accord sur ce(s) film(s), pas plus que sur le réalisateur. Au moins, nous partageons la même passion pour Andrew Dominik 🙂
Mais justement, pour la lisibilité, je pense à Memento, malgré sa grande complexité, était parfaitement lisible, et ça le rendait totalement époustouflant. Mais là ça ne marche pas, je te trouve bien trop tolérant avec le film, tu y vois plus que ce qu’il y a selon moi (allez, que ce que j’y ai vu en tout cas :p). Sinon, le comparer à Orwell, là non, je ne peux décemment pas te laisser dire ça, surtout avec ce film là! Orwell est 100 fois plus clair, alors même qu’il arrive à être plus complexe dans sa narration. Sans compter le talent d’inventeur de plans, de cadrages, etc etc qu’est Orwell… Non, non, là je m’insurge… :p
Et j’ai vu The Dark Knight, et je te le disais plus haut, j’ai été très déçu… Mais qu’est ce que c’est que ces grandes phrases à deux sesterces qu’on nous balance à longueur de film, du genre : « ce n’était pas le héros que l’on méritait, mai celui qu’il nous fallait », ou je ne sais quelle ineptie de genre! Alors oui, c’est sûr, le Joker est vraiment très bien, doublé par la mort de l’acteur qui donne encore un autre écho à la chose. Mais objectivement, si on voit le truc à tête reposé, sans se laisser aller par la passions qu’il y a autour de ça, ça reste clairement un rôle à oscar, c’est très bien, il cherche le chaos pour le chaos, et une fois qu’on a montré ça, quoi? Ben rien, juste un espèce de gros gadget avec un peu d’âme, mais la déception est à la hauteur de l’attente, raison pour laquelle je suis moins tolérant avec Nolan qu’avec n’importe quel autre. Il me déçoit de plus en plus, le précédent Batman était assez mauvais, celui là est tout juste bon…
Quand je pense que ce mec là a fait Mento et the following, qui sont deux premiers films (enfin, un second et un premier, respectivement), voire même Insomnia, qui étaient absolument excellents, et qui pour le coup le mettait en effet sur la voie prometteuse des plus grands cinéastes… Tss, je suis dépité 🙂
Je dois reconnaître une chose : chez Nolan, la lisibilité n’est pas vraiment la règle. On s’y perd parfois, la complexité dont il teinte ses films peut sembler plus adaptée à un livre qu’à un film. J’ai la faiblesse cependant de croire que cela sert le film plus que le dessert; la densité de la narration me rempli l’estomac à satiété, sans que j’aie l’impression d’avoir pêché par gourmandise. Il a des choses à raconter, des élipses à faire, et me rappelle à bien des égards (attention, roulement de tambours) Orwell. En moins clair, plus fouillis certainement, mais Orwell quand même.
Ainsi donc, je peux comprendre ton ressenti. Le film n’est pas exempt de défauts, ça non, avec un côté un peu étouffant par moment. Le duel entre magiciens semble s’éterniser, phénomène exacerbé par le manque d’évolution des personnages. D’où ton sentiment de redondance.
Mais là où je ne saurais te suivre, c’est sur le prétendu manque de subtilité. L’allégorie sur le cinéma s’inscrit en filigrane dans la trame. Les dualités assénées avec un rythme allant crescendo, où le maître d’orchestre Nolan assène à violent coup de baguette les métaphores qui laissent les plaies béantes sur le spectateur. Fond et forme, science et art, des dichotomies dépeintes avec un brio qui seront étudiées en écoles de cinéma pour les décennies à venir. Les personnages sont ravagées, hantés par leur besoin d’exceller, deviennent leur art : on se croirait pris dans une tragédie grecque, dans un opéra de Wagner, leur grandeur étant à la mesure de leur chute. Et la science finira par triompher, l’emportant sur l’art; n’est-ce pas ce qui est arrivé ? N’est-ce pas la forme qui attire le public, plus que le fond ? Je vois au contraire une grande subtilité dans le conte de Nolan, doublé d’une confrontation angoissante de l’âme humaine. Il faudrait le comparer à Thucydide, à Machiavel, plus qu’à d’autres cinéastes; Nolan invente le combat au cinéma, un combat fait de douleurs, d’inventions et de poésie. Il est parfois grandiloquent, d’où ce côté appuyé, mais jamais redondant.
Je ne sais pas si tu as eu l’occasion de voir The Dark Knight; il est à mon avis le plus grand film de super héros qui ait jamais vu le jour. Il a éclipsé, infantilisé, ridiculisé tout ce qui s’est fait à ce jour dans cette thématique. Les personnages ont une consistance jamais égalé, l’ambiance d’une noirceur dérangeante, avec des scènes d’action (enfin) très lisibles. Il s’enfonce plus en avant encore dans les profondeurs du Styx, affrontant nos millions de cerbère sans jamais faiblir. Ce n’est pas par hasard si Batman est relégué au second plan, la part belle est fait au personnage du Joker, le plus terrible démon inventé au cinéma. Un démon qui nous ressemble, à la recherche d’un chaos salvateur et simplificateur, unique et primal.
Bref, que te dire d’autre que Nolan m’a pris par surprise, et continue à le faire. Je ne peux que regretter que son propos n’aie pas le même effet sur toi, car tu passes à côté de moments jouissifs sans fin 🙂
Bon, je reviens un peu par là, sans être sûr d’avoir des arguments plus forts que ceux que j’ai essayé d’amener, à savoir plutôt un ressenti (mais bon, ça reste quand même la base de toute argumentation :p )… Non, simplement j’ai trouvé que la trame narrative du film était bien trop compliquée, inutilement torturée. Ca nuit à la clarté du propos. De plus, mais mes souvenirs commencent à s’effacer un peu quand même, y a un réel problème au niveau de la narration. Le système de flashback participe à ce que je disais juste avant, a obscurcir le propos : temporellement on ne sait pas toujours où on en est, ça m’a vraiment laissé l’impression d’un manque de maitrise de fond, trop ambitieux en quelque sorte, et c’est un tout petit peu en dessous de ses moyens… En fait l’impression que j’ai eu est que c’est vraiment passé à côté du grand film que ça aurait pu être, non seulement à cause de ce que je viens de dire, mais aussi et surtout à cause de ce que je disais plus haut. A savoir que cette pédagogie un peu trop appuyée du processus en trois temps est à l’image de tout le film, il montre a chaque fois, et nous dit ce qu’il montre, du coup c’est redondant, et ça signe pour moi une incapacité du film lui même à faire sens. Si tout était clair et évident dès l’abord (c’est l’une des gageures les plus complexe de l’art : donner l’apparence de la simplicité, que tout le processus complexe qui mène au résultat disparaisse dans celui-ci, et donne quasiment l’apparence d’une production naturelle), si tout était clair et évident dès l’abord, donc, il n’y aurait pas besoin d’appuyer son propos, de le doubler. Pour moi il y a là un signe à la fois de l’incapacité du film de faire sens à partir de lui-même (et donc que son but est en partie manqué), et du manque de confiance du réalisateur en lui-même et en son oeuvre. Il appuie son propos comme pour compenser ce qui n’est pas très clair par soi. Bref, avec moi ça n’a pas fonctionné. Et je suis conforté dans cette idée par l’espèce de courbe descendante dans laquelle j’ai l’impression que se trouve ce cher Nolan…
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A dire vrai, j’étais mal à l’aise en écrivant ces lignes. Pas en raison de tes arguments, que je vais réfuter, mais surtout parce que ma position est très politiquement correcte : tu n’as pas de Noirs dans ton film, te voilà vu comme raciste. Pas de Juifs, anti-sionniste faisant de la propagande en faveur d’Al Qaeda. Un auteur doit être critiqué sur ce qu’il dit explicitement, et pas sur ce qu’il ne dit pas.
Cela dit, je reste intimement convaincu que Nolan n’accorde pas, en son for intérieur, beaucoup de place aux femmes. Soit il voit l’histoire comme étant faite par les hommes (ce qui se défend, par ailleurs), soit les femmes ne l’intéressent réellement pas (scénaristiquement parlant). Cela m’avait déjà frappé dans Batman Begins, où la petite amie potentielle de Bat’ a beau formuler tous les souhaits désirés, l’encourager ou le décourager, il fait ce qu’il veut. Memento, c’est moins explicite, (et j’ai pas encore vu Batman 6) mais The Prestige, elles sont secondaires, voire décoratives. Non pas que l’histoire ne les mentionne pas; mais elles sont sans aucune initiative, elles se pendent, elles se noient, elle sont tristes, elles se font engrosser, elles ne font que réagir. Aucune action, jamais; ce sont les hommes qui se battent pour elles (et encore, elles sont si faciles à conquérir), la volonté est mâle, pas femelle.
Bref, encore une fois, je risque de verser dans le procès d’intention motivé par du politiquement correct, je ne veux donc pas aller trop loin dans cette direction. Simplement ce qui m’avait déjà frappé dans Batman Begins, me semblait confirmé dans Prestige (ce qui, chronologiquement, devrait être l’inverse, au vu des sorties respectives des films).
Appuyé, l’allégorie l’est assurément. Cela m’a dérangé parfois, mais c’est vrai que j’attends toujours du Kubrick lorsque le film me paraît à plusieurs entrées; il faut que je me détache de cette référence, ça tourne parfois à l’obsession.
Hormis cette pédagogie trop appuyée, le film est de liens purement cinématographiques et d’autres scénaristiques qui revêtent une solide cohérence, et qui ont un sens dévastateur. Que ce soit les personnages de Tesla, les doubles créés par celui-ci, la noirceur et l’égoïsme des personnages, tout se tient.
Que la crème n’ait pas pris pour toi, soit; mais que Nolan soit naïf dans sa réalisation, il va falloir m’expliquer en quoi. Quels sont les raccourcis pris, parce que je n’en vois pas. Si tu as moins de boulot, colles-y toi :-[)
Juste un petit mot à propos du Prestige, en ayant long ton article que d’une lecture transversale. Je dois dire que moi qui avait adoré les premiers Nolan (l’excellent premier film The following, l’incroyable Memento, que j’étais allé voir 4 fois au ciné la semaine ou je l’ai découvert), je suis de plus en plus déçu par sa réalisation et ses choix artistiques. Première déception, en plus des deux derniers Batman vraiment trop premier degrés -mais là n’est pas la question- : ce Prestige! Selon moi le film ne fonctionne pas du tout, l’enchevêtrement des intrigues nuit gravement à la narration, il y a un problème de rythme qui empêche d’entrer de plain-pied dans le scénario, qui lui-même est relativement tiré par les cheveux. Pire, je trouve que sont déjà présent en germe les défauts de la réalisation future de Nolan (tels que malheureusement mis au jour dans les Batmans) : une espèce de naïveté un peu ras des pâquerettes, un manque d’ambition spirituel que je n’aurais jamais pu soupçonner à la vision de ses premiers opus. Le coup du montage ternaire (mise en situation, disparition, prestige/réapparition) à la fois énoncé comme contenu du film et fondant l’élaboration de la forme même de ce dernier est vraiment dans cette veine. Trop naïf selon moi, trop appuyé, trop redondant, j’ai ressenti tout cela comme manquant cruellement de finesse. Bon, je suis un peu sévère, mais c’est à la hauteur de la déception que m’a inspiré le film. J’en attendais beaucoup, la mise en place est excitante, beaucoup de très bonnes idées, mais le liant ne fonctionne pas je trouve, ça passe à côté du chef-d’oeuvre que ça aurait pu (du?) être, et c’est d’autant plus plombant pour le film. Trop ambitieux, et pas tout à fait les moyens de ses ambitions, notamment par cette narration que je trouve vraiment trop artificiellement alambiquée… Bon désolé, je ne m’arrête pas plus, et doublement désolé que tu as écrit un long post et que je ne réponds que de manière assez subjective, mais du boulot m’attend!
Merci pour cet article. J’aime beaucoup ce film et je suis impressionné par la facilité avec laquelle Nolan parvient à mêler plusieurs époques différentes, deux journaux intimes qui se répondent tour à tour, des histoires racontées de points de vue différents, sans jamais perdre le spectateur et sans recourir à des explications laborieuses. La gestion de l’information est tout à fait remarquable.
Juste une remarque, je ne suis pas complètement d’accord avec ta critique finale sur la place des femmes dans les films de Nolan. Même s’il est vrai que leurs personnages principaux sont toujours des hommes, les femmes y jouent un rôle central. Après tout, c’est la disparition d’une femme qui est le point de départ du Prestige comme de Memento. Dans Batman Begins, Rachel est présentée comme l’un des seuls points de repère stable de l’entourage de Bruce Wayne (avec Alfred), et elle tient également un rôle de pivot dans The Dark Knight. Dire que les femmes ne comptent pas me semble donc un peu réducteur. Il est vrai cependant que dans tous ces exemples, les hommes doivent se résigner à accepter l’absence de la femme (disparue ou inaccessible).
(Quant à Sarah (The Prestige), elle n’agace pas son mari, mais le frère jumeau de son mari. 😉 )
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