Tony n’était pas attaché aux belles phrases, et pourtant il aimait la beauté. Il aimait la clarté du verbe pour ce que l’on voulait signifier avec précision, sans entourloupe ni faux semblant.
C’est ainsi que Salvatore a mené sa vie : avec droiture et dédain pour le mensonge. Cela lui a valu de se fâcher parfois avec ses congénères, à tort ou à raison, car il avait la dureté de sa tendresse, et l’ouverture de sa fermeté. L’inverse était aussi vrai.
Je suis persuadé que ceux qui avaient compris que Tony était hors norme, fait de la trempe de ces hommes que l’on ne rencontre que quelques fois dans sa vie si l’on a beaucoup de chance, l’ont aimé de toutes leurs forces. Salvatore m’a appris à aimer sans peur. Je ne sais pas quel plus beau cadeau on pouvait me faire. On a peur d’aimer. On a peur d’être soi-même. On naît avec toutes les peurs du monde, et Tony m’a enseigné à les balayer d’un revers de la main, et à voir la lumière chez chacun. La paix et l’amour, il l’affirmait avec force, devaient être mes seuls objectifs.
Je crains de ne pas avoir su totalement suivre son enseignement, mais je continuerai à m’y efforcer, guidé par son exemple. L’exemple était tout pour lui. Ne jamais lancer la pierre à l’autre, mais lui montrer au contraire comment on peut éviter d’avoir à le faire. Nous avons débattu des nuits entières sur les grands initiés, nous accordant sur le fait qu’ils n’avaient rien divins, mais qu’ils étaient divinement instructifs.
Tony s’en est allé rejoindre les hommes qu’il admirait, me privant de ses conseils à jamais. C’est peut-être là le dernier de ses enseignements, nous rappelant que nous sommes seuls de la naissance à la mort, et que la beauté de l’existence n’est pas dans ses mots, mais dans les rencontres qui nous relient au grand œuvre.
Ceux qui souffrent sont ceux qui restent, mais ton exemple te survivra, Salvatore. Tu as eu une vie où tu as fait de ton mieux, avec tes défauts et tes qualités, mais toujours avec force, sagesse et beauté. Je ferai, à mon tour, de mon mieux. Car tu m’as enseigné comment être un homme à la gloire du Grand Architecte de l’Univers.
Merci pour ce si bref et si long chemin partagé. Tu feras partie de mon être jusqu’à ce que l’obscurité, à mon tour, m’enveloppe.
Si j’avais eu plus de temps, Tony, j’aurais lu un panégyrique plus court, comme tu l’aurais aimé. Mais aujourd’hui je suis seul à bord, et il va me falloir faire face à mes contradictions seul, car je doute de ne jamais trouver un homme d’une telle dignité, à la personnalité aussi éblouissante qu’éreintante. Nous sommes orphelins aujourd’hui, mais parents d’une multitudes à inspirer, à notre tour. Tu dois te rire de l’ampleur de la tâche. Tu n’as décidément jamais rien pris au sérieux, bien que tu aies été l’homme le plus responsable que je n’aie jamais rencontré.