Epicurisme
Comme pour les stoïciens, la philosophie est une thérapeutique, destinée à guérir. Mais chez eux, la guérison consistera à ramener l'âme des soucis de la vie à la simple joie d'exister. Le malheur des hommes provient du fait qu'ils craignent des choses qui ne sont pas à craindre et qu'ils désirent des choses qu'il n'est pas nécessaire de désirer et qui leur échappent. Leur vie se consume ainsi dans le trouble des craintes injustifiées et des désirs insatisfaits. Ils sont donc privés du seul vrai plaisir, le plaisir d'être. C'est pourquoi la physique épicurienne délivrera de la crainte en montrant que les dieux n'ont aucune action sur la marche du monde et que la mort, étant dissolution totale, ne fait pas partie de la vie.
L'étique épicurienne délivrera des désirs insatiables, en distinguant entre désirs naturels et nécessaires, désirs naturels non nécessaires, et désirs qui ne sont ni naturels ni nécessaires. La satisfaction des premiers, le renoncement aux derniers et éventuellement aux seconds suffira à assurer l'absence de trouble et à faire apparaître le bien-être d'exister. D'où ce sentiment de reconnaissance presque inattendu, qui illumine ce qu'on pourrait appeler la piété épicurienne envers les choses : "Grâces soient rendues à la bienheureuse Nature qui a fait que les choses nécessaires soient faciles à atteindre et que les choses difficiles à atteindre ne soient pas nécessaires".
Pour guérir l'âme, il faut, non pas comme le veulent les stoïciens, l'exercer à se tendre, mais au contraire l'exercer à se détendre. Au lieu de se représenter les maux à l'avance, pour se préparer à les subir, il faut au contraire détacher notre pensée de la vision des choses douloureuses et fixer nos regards sur les plaisirs. (Pierre Hadot, "Exercices spirituels et philosophie antique")